samedi 3 novembre 2007

En France, on n'a rien contre le fric !


L’actualité nous offre pour une fois l’exemple d’une mise en pratique ultra rapide de certains principes proclamés : travailler plus pour gagner plus. Le candidat Sarkozy l’avait compris : les gens ne travaillent pas « plus » pour le simple plaisir, ni pour obtenir une médaille façon Stakhanov. Ils veulent bien donner un coup de collier, mais faut raquer ! Il existe peut-être quelque part encore des lourdauds rétifs à ce genre d’équation : le Président va leur montrer les mathématiques.

On le sait donc, et on en parle, il a augmenté son traitement de Président de la République de près de 140%. D’un coup ! Ha, c’est bien lui, ça, une charge, une salve !... tourne pas autour de la caisse, le Chef… paf ! à moi le beurre ! Homme pressé, qu’y disaient ? hé ben mate un peu la précision ! C’est ça qui est bien avec le Chef : pas de discussions sans fin, pas de tergiversation, on fait pas dans la menue monnaie. Avec lui, une négo salariale peut vite tourner au cambriolage. Mais propre, faut reconnaître, propre…

Il passe de 8400 à 19690 euros nets par mois. Par temps de Grenelle de l’environnement, ce bond quantitatif n’est pas sans rappeler les avancées salariales de 1968… Ha, féru d’histoire, le Chef !

Mais comment en est-on arrivé là ? Au départ, Sarko est abordé par un agent fayoteur de Claude Guéant, qui lui fait remarquer par écrit que Fillon ne fout quasi rien de la semaine mais qu’il touche beaucoup plus que lui : 18000 euros contre 8400 et des brouettes. Sarko, qui ne savait pas ça non plus, convoque le mec et fait alors comme d’habitude : deux phrases courtes qui ne veulent rien dire. Le fayot, comme n’importe quel Français en ce cas, opine du bonnet avec un air entendu. Il n’ y a rien compris, mais il reconnaît qu’il y a du vrai ! En moins de deux jours,

1) il pond un rapport béton sur l’affaire

2) propose que le chef de l’Etat soit augmenté de 100%

3) propose que l’Elysée soit désormais dotée d’un budget autonome et paye directement ses collaborateurs (mesure inutile dont tout le monde se fiche mais qui détourne efficacement les attentions)

4) appelle sa femme pour lui dire qu’elle l’aura sa maison avec ses tuiles bleues.

Les quelques témoins des discussions qui fixèrent les choses plus précisément (avant que le Parlement s’empare du paquet tout ficelé) sont unanimes : ce fut chaud. Sarkozy prétendait qu’une augmentation de 250% le mettait un peu au dessus de la moyenne des patrons du CAC40, et qu’il fallait bien ça. Guéant lui-même fit remarquer que l’opposition s’emparerait sûrement de cet argument contre le président : se comparer aux as du CAC, c’était pas vraiment digne du successeur du Général ! Sans compter les gauchistes qui n’allaient pas manquer de rapprocher encore plus Sarko de ses grands patrons de potes. Quelques heures plus tard, on en était à 200%, chiffre soutenu par le Maître mais contesté cette fois par Jacques Séguéla, qu’on était allé chercher pour la circonstance. Le pubard soutint immédiatement qu’il fallait y aller mollo avec les mesures symboliques, avant de reconnaître qu’une augmentation, au dessus de 10%, sortait de toutes façons rapidement du champ du symbole. « Tripler votre traitement en une fois risque de faire baisser votre côte de popularité », intervint Jean-Pierre Miquet, le conseiller en image. C’est pas le moment de faire des mots ! rétorqua le Président, qui avait compris pop hilarité. Sarko campait sur les 200%, engueulant Guéant qui restait sur ses 100%, tandis qu’on appelait dans Paris les quelques grosses têtes disponibles qui auraient pu donner la formule pour sortir de l’impasse. Miquet revint à la charge en expliquant qu’il fallait procéder par étapes, une bonne augmentation justifiable tout de suite, et de petits ajustements discretos tout au long du reste du mandat. Il donna le truc de la mise à niveau avec le traitement de Fillon, solution qui fut retenue.

Une source sûre nous informe que le chiffre de 140% fut conquis de haute lutte par Sarko lui-même, contre les tristos qui en tenaient pour 100%. L’acharnement à ne rien lâcher fut même présenté par le Boss comme une simple mise en œuvre de son programme pour la France. « Vous croyez que j’ai fait comment avec Kadhafi » ?

Le Président obtint même, détail curieusement jamais repris dans la presse, que ses tickets restaurant soient eux aussi augmentés, passants de 50 à 75 euros pièce ! Et, plus scandaleux encore, que le nombre de tickets passe de 21 par mois à 31, comme si le Président travaillait les jours fériés! En stratège, le chef de l'Etat avait prévu que tous les persifleurs du pays le taquineraient sur le salaire, mais que personne ne dirait rien des avantages annexes: tickets restau et chèques vacances. Il ne tient qu'à toi, camarade cocu, de lui donner tort !