La ville qui a vu naître Philippe Muray en 1945 fait le pari de « divertir le plus large public en le tirant vers le haut », ce qui signifierait qu’il est possible de sortir d’un parc à thème moins idiot qu’on y est entré, exploit improbable dont on attend de pied ferme la démonstration. La note d’intentions (C.C 24/12) précise que « le public manifeste une attente forte au niveau de l’intello-tourisme actif » et que
L’idée serait donc de proposer au public des attractions, des stands, des animations et des mini séminaires « plutôt centrés sur l’audio-visuel interactif », tous en rapport étroit avec l’œuvre de Muray, et ceci dans l’enceinte d’un parc de loisirs spécialement créé pour ça. Des acteurs locaux joueraient des pièces et liraient des textes tirés de ses ouvrages imposants, certaines des extrapolations burlesques du Maître seraient réalisées (comme
Dans le PMP, les béotiens seront initiés à la pensée de référence grâce à un ingénieux « petit train du post-modernisme » : les stations où il s’arrêtera matérialiseront les étapes nécessaires à la compréhension de l’œuvre (station Hegel, station féminisme, station Bloy, etc.). Chaque fois, des acteurs habillés en costumes d’époque, joueront des saynètes qui seront autant de compléments théoriques à la promenade.
Une attraction a été refusée : sous l’appellation de « Vertige de la pensée », elle consistait en une sorte de Grand-Huit baroque qui se proposait, après l’absorption d’une pilule « légèrement hallucinogène », d’étourdir le chaland grâce à des enregistrements des chansons de Muray diffusées par baladeur… « Pas de drogue ! », a prévenu le maire Jean-Claude Antonini.
Parmi d’autres attractions faisant encore problème, celle du traditionnel jeu de massacre (jeu vidéo où le joueur, pilotant un 4 X 4, doit écraser des patineurs en rollers), et le jeu-épreuve du fumoir, où des jeunes non fumeurs sont enfermés dans un caisson préalablement empuanti, et doivent y résister le plus longtemps possible sans se plaindre.
Interrogé sur le fait que ce sont des socialistes qui ont proposé la création de ce parc, le principal opposant au maire estime que « les limites sont franchies ». Il se dit préoccupé pour la ville, car, selon lui, à Angers, les socialistes sont devenus « de véritables rebelles ! »
L’équipe porteuse de ce projet escompte bien y attirer des touristes étrangers, notamment les anglo-saxons qui en grand nombre visitent la région. C’est probablement la raison qui explique le choix du nom du parc lui-même. On explique d’une part qu’un nom à consonance anglaise ou américaine attire beaucoup plus de touristes, « et même les touristes français ». D’autre part, les studios Pixar semblent avoir exigé la défrancisation du site pour des raisons exclusivement commerciales. En effet, ils co-produisent fortement le Philip Muray Park et y diffuseront même un film d’animation intitulé « Philip Muray’s touch ». L’essayiste y est curieusement représenté en petit bonhomme assez rond, tirant en vain sur une clope éteinte, et sortant des formules percutantes à peu près toutes les vingt secondes, dans des situations qui n’ont qu’un rapport lointain avec la vie du penseur. Alain Finkielkraut, qui a visionné un bout de ce film, a eu cette formule : c’est ignoble !