L’archevêque de Canterbury roule pour sa chapelle, ce qui est la moindre des choses. Ce faisant, il vient de déclarer qu’une application de la charia musulmane en Grande Bretagne était à envisager. Popopop ! je vous arrête : pas TOUTE la charia, seulement quelques propositions, notamment celles qui concernent le droit des familles, les divorces, l’avortement, etc. Ben voyons…
Le jour où un chef de l’église anglicane viendra déclarer publiquement qu’il faut couper la main des voleurs ou lapider les femmes violées, le temps ne sera plus à l’écriture de petits articles sur des blogues, mais à bien autre chose. Nous n’en sommes pas là. L’archevêque revêche est simplement en train de donner raison aux bouffeurs de curés qui prétendent que tous les religieux sont à traiter de la même façon parce qu’ils ont tous d’énormes intérêts communs. En dehors de la stricte et banale compétition entre eux, les religieux ne voient pas d’inconvénient à utiliser la fumeuse théorie des « alliés objectifs » pour faire prévaloir leurs intérêts. S’il faut lutter contre l’avortement, le divorce ou l’athéisme, se dit sûrement Rowan Williams (l’archevêque en question), toutes les bonnes volontés sont utiles. Contrairement à une opinion ici largement répandue, il n’y a pas d’un côté les gentils curés et pasteurs, et de l’autre, les méchants imams, il y a des religieux qui se tirent certes la bourre entre eux, mais qui rêvent de revenir au premier plan, de donner le ton des moeurs et des lois, et de sortir autant qu’il sera possible de la stricte sphère privée. Il ne faut pas oublier que chez nous, la séparation de l’Eglise et de l’Etat a été voulue et mise en place par l’Etat, non par l’Eglise, qui y a vu une perte de son pouvoir. Confiner la religion à une affaire de croyance personnelle, c’est, pour ceux qui prétendent traduire la volonté du Tout Puissant, une putain de régression !
En Grande Bretagne, certaines lubies religieuses sont déjà prises en compte dans la loi. L’an dernier, par exemple, la loi a été modifiée pour permettre aux musulmans qui suivent la charia de ne payer qu’une seule fois l’impôt sur les transactions immobilières, l’impôt d’état faisant en quelque sorte double emploi avec l’impôt religieux… Les juifs orthodoxes y possèdent aussi des tribunaux spécifiques pour régler à leur manière les cas de divorces. Pour l’archevêque félon, aider une minorité à obtenir des droits particuliers, c’est affaiblir le droit commun et donc, à terme, un changement du rapport de forces entre la loi et l’Eglise anglicane. Il le dit lui-même quand il déplore « un gouvernement laïque possédant un monopole sur la définition des identités publiques et politiques ». Le monopole de la coercition légitime, selon Max Weber, voilà ce que les archevêques, les papes et les gourous chercheront toujours à démolir.