jeudi 24 avril 2008

Network, histoire de l'avenir

Sidney Lumet

En 1976, Sidney Lumet sort Network (main basse sur la télévision, en français), un film extraordinaire qui a la particularité de sembler prémonitoire à un français d’aujourd’hui, mais que les américains ont dû prendre à l’époque comme tout à fait réaliste. Sachant que tout ce qui est américain, stupide, nuisible et désespérant met environ 15 ans avant d’arriver inexorablement en France, certains spectateurs d’alors s’en sont peut-être même inspiré pour moderniser la télévision pépère héritée du Général. Il décrit (en gros) la transformation de la télévision US en système de divertissement totalitaire, avec un ton qui passe du sérieux au plus grand comique. Comme d’habitude avec Lumet, c’est un grand film.

Pour juguler la perte d’audience du journal télévisé, une arriviste sans scrupule (Faye Dunaway dans son meilleur rôle) imagine de faire passer la direction des infos sous l’autorité du directeur du divertissement. L‘opération effectuée, on assiste à des scènes de grand burlesque qui ne sont pas sans rappeler le Canal + des années 80/90, avec, souvenez-vous, groupe de rock live pour annoncer les infos, mélange d’amuseurs grimés et des « drames » de l’actu (piège à cons !) et institutionnalisation de marionnettes. En passant, il est amusant de se souvenir que les guignolades divertissantes qu’annoncent le film furent appliquées à la télévision « libre » française par un nid de pseudo situationnistes censés incarner la résistance au Spectacle. Passons.

On peut considérer Network comme une actualisation du fameux « Un homme dans la foule », qu’Elia Kazan avait sorti en 1957, et qui disait presque tout. Je dis presque parce que, peut-être pour des raisons politico commerciales imposées, Kazan imagina que les spectateurs rejetaient l’animateur cynique à la fin du film, s’étant rendu compte qu’il les trompaient. Ce genre de happy end, devenu totalement invraisemblable, fut bien sûr évitée par Lumet.

Je signale enfin qu’entre cent qualités, ce film comporte aussi la plus drôle scène d’amour (pourtant torride), avec Faye Dunaway aux commandes…

Dans cet extrait, l’animateur-gourou vedette est convoqué par le big boss, qui lui explique clairement les choses. 1976, m’sieurs dames !…