dimanche 12 avril 2009
Ecologique pas logique
Ça fait maintenant pas mal d’années que les préoccupations écologiques ne sont plus l’apanage de spécialistes, et que les médias de masse s’y sont mis. Une catastrophe est toujours la bienvenue quand on doit vendre du papier, c’est bien naturel. En plus des « catastrophes » elles-mêmes, il y a les « phénomènes », écologiques, les dangers et périls pesant sur l’environnement, les « dégradations » du même environnement, les « atteintes » à l’environnement, etc. Oh, bien sûr, tous les scientifiques ne sont pas totalement d’accord sur tel ou tel point du diagnostic, mais on est tous devenus à peu près persuadés que ça chie considérablement du côté de l’atmosphère, que la flotte qu’on boit a un goût de mort, que les animaux sauvages feraient bien de cotiser à la Sécu fissa et que l’expression « comme un poisson dans l’eau » doit bientôt cesser d’illustrer une vie facile et parfaitement peinarde. Quand je dis qu’on est tous persuadés de ça, j’évoque évidemment des gens qui ont la chance de vivre dans un pays encore vivable, les habitants des bidonvilles de Calcutta ou d’ailleurs n’étant pas au courant qu’il existe, où que ce soit, un machin qu’on puisse appeler environnement.
C’est dans ce contexte ultra favorable que les écologistes français raflent un peu plus de 1, 5% des voix aux dernières élections présidentielles. Jamais, dans l’histoire des coups foireux qui en compte pourtant de formidables, jamais on n’était allé aussi loin. Jamais la logique des choses n’avait été aussi insultée. Les écologistes, pourtant experts dans l’art de la palabre, sont restés à peu près muets sur les raisons de la déculottée et surtout, personne n’a entendu le commencement du début de l’amorce d’une autocritique de la part de ces grands visionnaires. Pendant que la planète s’écroule, le Vert français se bat pour la régularisation des sans papiers, le mariage homo, le droit de porter la jupe dans les sous-marins, et le fait savoir fièrement.
Les quelques personnes sincèrement désolées d’avoir à faire avec cette écologie-là vont pouvoir se rassurer : les écolos français, s’ils veulent essayer de ne pas disparaître électoralement, vont bien être obligés de parler d’autre chose, et de sortir enfin leurs idées radicales au grand jour. C’est ce que vient de faire Yves Cochet, député Vert parisien.
Pour lui, il faudrait inverser la logique des allocations familiales, notamment celles qui sont versées à la naissance du troisième enfant. Cette mesure, qu’il juge incitative, va donc à l’encontre d’une vision malthusienne du monde, la sienne, où il devient urgent pour l’espèce humaine de penser à décroître. Cochet n’étant après tout qu’un homme politique, il n’a pas pu s’empêcher de mélanger ses fiches et ses pinceaux, en tentant de faire le savant. En faisant le parallèle entre « le coût écologique d’un enfant européen » et « 620 trajets Paris-New York », il n’a pas seulement donné un argument à ceux qui déplorent la réification des humains (au moins dans les esprits), il a aussi faire rire ceux qui ont remarqué que son parallèle est absurde, en contradiction avec un des credo enflammés des Verts. J’essplique : on apprend que ce coût écologique suspect (comment est-il établi, et par qui ?) concerne en fait « un Européen de sa naissance à ses 80 ans ». Ce n’est donc pas l'enfant qui coûte si cher, mais le péquin moyen vivant en Europe. J’imagine donc que, si on suit la logique Cochet, on doit inciter les parents à ne pas trop faire d’enfants, et les nombreux candidats à l’immigration à rester hors d’Europe. En effet, prenons l’exemple d’un Ougandais moyen qui a envie de vivre en Europe mais qui n’a pas de papiers légaux pour ça. Grâce à l’action de philanthropes divers, au nombre desquels on remarque les écologistes français, immergeons-le dans le mode de vie européen, et nous obtenons rapidement un gaspilleur de première classe, qui coûte affreusement cher à la planète !
Il faut donc faire un choix : soit on laisse les gens d’Europe pondre de la marmaille en pensant que les problèmes de la planète ne se résument pas à une affaire de quantité, et dans ce cas on peut défendre aussi l’immigration. Soit on pense que la réduction des effectifs humains des pays développés est la solution (ne riez pas, sots), et on fera tout pour stopper le flux humain en direction de ces pays de gaspi. CQFD.
Si on faisait faire 620 trajets Paris-New York aux couillons, t’aurais pas fini tes allers-retours, hé girouette !