On sort du cinéma, on vient de voir un film, et on ne l’aime pas. Ça arrive, c’est plus ou moins fréquent. Il arrive aussi qu’on le déteste carrément. C’est légitime. Mais est-il permis de détester un film qu’on n’a pas vu ?
Norah Jones est, tout le monde ne le sait pas, la fille du grand Ravi Shankar. Malgré cet héritage, elle chante d’une voix morne des chansons pitoyables, sur des airs convenus. Cette enfant de la baballe fait semblant de chanter du blues, tandis que des cons font semblant de savoir ce que c’est. Elle pousse deux complaintes faméliques sur trois misérables accords mous, sans le moindre espoir d’arriver à quoi que ce soit, achevant sous elle le tempo le plus moribond, et elle recueille encore les applaudissements des têtes à claques. Reprenant un genre musical qui a déjà tout donné au monde, elle a l’invraisemblable orgueil de prétendre y ajouter un chapitre, et elle accouche d’un bourbier de bémols. Qu’elle plaise à un public blanc européen musicalement inculte, c’est déjà dur à avaler, mais je le conçois. En revanche, que la presse spécialisée et les connaisseurs médiatisés n’aient pas, depuis le premier quart d’heure de sa carrière, taillé un costard définitif à cette endormeuse, ça me scie le boudin ! Une expérience fut pourtant tentée à l’Université de Philadelphie (musicologie) : faire écouter le premier disque de
Cette icône de la variétoche façon blues est, il faut le reconnaître, physiquement délicieuse : dans une société qui vénère autant les images, fussent-elles truquées et vides de sens, sa percée dans la chansonnette devait forcément lui ouvrir d’autres portes. Nous aurons donc Norah Jones actrice, avant Norah Jones ambassadrice de l’Unesco, puis Norah Jones présidente des Etats-Unis. La seule chose à souhaiter, c’est qu’elle transpose alors dans la politique l’apathie de ses blues pour hospices de vieux, et qu’elle foute enfin la paix universelle au reste du monde.
On se souvient d’un précédent succès de Wong Kar-Wai : In the mood for love. Un concert d’éloges s’était abattu sur ce navet, particulièrement en France. On avait sans doute vu, dans ce Chinois influencé par
Dans In the mood for love, on voit des plans de femmes de dos, au ralenti. C’est beau une femme, de dos, au ralenti. Surtout une belle femme. Au seizième plan identique, en plus d’être beau, ça devient chiant : loi universelle. Wong Kar-Wai restera peut-être dans les annales pour avoir réussi l’exploit de faire chiant avec du beau… Autre trouvaille du génie : la zique. Un putain de refrain mollasson revient en boucle chaque fois qu’un enculé ouvre une porte, c’est à devenir fou ! Le maniaque passe et repasse toujours le même, dans l’espoir de faire également chiant avec des notes de musique. Troisième trouvaille (en dehors du traitement de la couleur qui ferait admirer la finesse d’un JP Jeunet), les grilles. Oui ! souvenez-vous : les deux personnages sont prisonniers des circonstances, de la promiscuité, de leurs familles, de tout, et quand ils se voient dans la rue, une grille est toujours placée entre eux et la caméra… symbole de l’enfermement… voyez ? Une grille de square (travelling), une autre grille de square (travelling), une autre grille de square (travelling ), etc.
Il est écrit que Wong Kar-Wai peut faire chiant avec tout, même des grilles de square !
Cette plaisanterie fut présentée comme pleine de finesse, on en vanta partout la délicatesse (je le jure !) et la beauté… j’aurai vécu ça. A l’heure du bilan de ma vie, je pourrai dire que j’ai vécu une époque qui a fait passer des cordes à nœud pour de la délicatesse, la mollesse pour de la sensibilité, et les applaudissements d’otaries de cirque pour de la critique cinématographique ! Hé merde…
Mais on n’en a jamais fini avec la tonneau des Danaïdes : Wong Kar-Wai sort donc un nouveau film avec, évidemment, ce cruchon de Norah Jones en vedette ! Est-il permis de détester un film qu’on n’a pas vu ?