Une vieille blague sur le Français moyen lui prêtait une sexualité active « surtout le samedi après-midi », sous entendu : on a le dimanche qui suit pour se reposer. Cette blague, déjà ancienne et désuète, deviendra probablement incompréhensible aux générations qui arrivent, quand on aura transformé le dimanche en jour comme les autres.
Il est bien évident qu’une tradition ou un usage remontant au VIème siècle ne saurait être un obstacle sérieux à la marche de l’économie. L’opération sera d’autant plus facile à mener que personne n’est plus assez gonflé pour revendiquer ce jour chômé, d’origine religieuse, comme référence de tous les citoyens. Les curés ont été mis au pas, les églises sont presque vides, et une bonne part des habitants du pays ne sont ni ne se disent chrétiens. Certes, les syndicalistes les plus laïcards ne crachent pas sur les fêtes d’origine chrétienne, car ils ont bien compris qu’il est préférable de conserver du lest à lâcher face aux attaques des turbinophiles libéraux. Mais on n’a pas non plus fait la révolution quand il se serait agi de sauver le lundi de Pentecôte… première salve. Je rappelle d’ailleurs que cette loi a tout bonnement institué une journée de travail non rémunéré (7 heures), que saint-Raffarin, dans sa grande mansuétude, a permis de fractionner comme on veut, qu’elle soit prise le lundi de Pentecôte ou n’importe quand dans l’année (« du moment qu’il travaille gratuitement pour autrui, le salarié de France sort le nez du guidon pour mettre la main à la pâte » JPR, journal de 13H de TF1, 12/09/2004).
Dans notre pays heureusement laïc, les turbinophiles ont bien compris qu’il fallait attaquer la société à sa faiblesse : la religion majoritaire et ses archaïsmes. Or, si la religion catholique a historiquement opprimé pas mal de monde, elle a aussi apporté des éléments bénéfiques, et ceci dès ses origines. Sans faire jamais l’apologie de la fainéantise, l’Eglise a pourtant institué de nombreuses pauses dans la vie de labeur du peuple. Ne pas travailler le dimanche en faisait partie. Certes, on ne travaillait pas le dimanche pour pouvoir se consacrer à dieu, mais ça laissait du temps pour soi et ça marquait quand même une différence entre l’homme et la bête de somme. Maintenant que dieu est mort, on peut profiter de cette journée pour faire autre chose que le chagrin, même regarder la télé, même glander en pyjama sur son canapé, même bayer aux corneilles, même être avec des amis, sa famille, même lire des livres ! On relativise le dimanche chômé en tant que vestige religieux, comme si tout ce qui avait la religion pour origine était à foutre en l’air. Mais « tu ne tueras point » aussi, c’est d’origine religieuse ! Va-t-on se mettre à buter à droite à gauche pour faire marcher le petit commerce ?
Je me risque à la prophétie : quand le débat contre le dimanche chômé sera vraiment lancé dans la société, on trouvera des turbinophiles pour se servir de la religion contre elle-même : ils prendront l’argument des Musulmans (censés préférer le vendredi), des Juifs (samedi) ou des Adventistes du septième jour (le mardi après-midi de 14 à 18H30) contre les Chrétiens glandouilleurs du dimanche. On verra que, dans leurs bouches, ce qui était dépassé parce que d’origine religieuse deviendra actuel pour la même raison. Et, bien sûr, des associations de musulmans, qui n’attendaient que ça pour exister un peu plus, se réveilleront soudain incapables de supporter le travail le vendredi, entraînant de braves pékins qui n’y avaient jamais pensé.
Par bien des aspects, le dimanche, jour de repos commun à tous était un ciment familial et social (qu’on soit chrétien ou non, croyant ou non) : on démolira encore un peu plus ces ciments-là car, ça crève vraiment les yeux dans
On peut souvent se faire une idée de quelque chose en observant le nombre de canailles qui la revendiquent. Dans le cas de l’abolition du repos dominical, la liste est chargée comme la langue de quarante poivrots. Au risque de faire dégueuler le lecteur de ce modeste article, je l’invite à être attentif à ceux qui, dans les mois qui viennent, pencheront pour la « libéralisation du dimanche », et à en prendre note. Cette liste à l’aspect de rafale comprendra les gens du Medef, les patrons de Gifi, le boss de Carrefour, le roi de