Le principe des Etats de droit, c’est qu’ils déclinent la logique de leurs normes juridiques jusqu’à une limite qu’on ne connaît jamais. Si un principe est adopté, les conséquences qui en découlent logiquement ne manqueront pas non plus d’apparaître, et deviendront probablement légitimes à leur tour. Si l’on accepte, par exemple, que la sexualité est affaire strictement personnelle entre adultes consentant, il est logique que la loi établisse l’égalité de tous les citoyens QUELLE QUE SOIT leur sexualité, et la « légalité » de toutes les pratiques sexuelles. S’il n’existe donc plus de norme légale en matière sexuelle, il est logique que les homosexuels demandent aussi le droit de se marier entre eux, et il est à prévoir qu’ils l’obtiendront. On pourrait leur opposer pas mal d’arguments, mais la logique de la loi semble bien être de leur côté.
Qué salade !
Les Suisses ont leur logique à eux, c’est bien connu. A deux heures du mat dans une rue déserte, ils n’auraient pas l’idée de traverser si le feu des piétons est au rouge… logique.
La Commission fédérale d'éthique pour le génie génétique dans le domaine non humain (CENH) pond depuis quelques années des avis sur les questions éthiques touchant au règne animal et végétal. Elle a dernièrement fait un joli coup en proclamant la dignité des végétaux et la nécessité de reconnaître leur valeur morale propre. Ça peut surprendre, et ça a surpris. Elle reconnaît elle-même, dans son rapport, que la question de savoir si les végétaux ont une valeur morale intrinsèque a pu être regardée comme ridicule par des membres de la commission eux-mêmes ! C’est dire… Le document est intéressant à lire, oscillant entre un ton on ne peut plus rationnel, dénué de tout excès apparent, et une puissance comique probablement consciente d’elle-même, mais qui ne s’affiche évidemment pas. S’appuyant imprudemment (à mon avis) sur des « découvertes scientifiques récentes », la CENH met en avant des « similitudes existant entre les végétaux, les animaux et les êtres humains aux niveaux cellulaire et moléculaire, et c’est pourquoi il n’y a actuellement plus de raison valable d’écarter d’emblée les végétaux de la communauté morale. » Il y a également des similitudes biologiques entre le corps d’un enfant et une goutte d’eau, pourrait-on faire remarquer…
Au final, cette commission annonce quelques points :
« 1 – Arbitraire : les membres de la Commission considèrent à l’unanimité tout acte de nuisance arbitraire envers les plantes comme moralement répréhensible. Le fait d’étêter sans raison valable les fleurs au bord de la route est un exemple d’acte arbitraire.
2 – Instrumentalisation : pour la majorité des membres, l’instrumentalisation totale des végétaux – qu’il s’agisse d’une collectivité végétale, d’une espèce ou d’un individu – requiert une justification au point de vue moral.
3 - Propriété absolue sur les végétaux : sur ce point également, la majorité des membres refuse, pour des raisons morales, l’idée d’une propriété absolue sur les plantes, qu’il s’agisse d’une collectivité végétale, d’une espèce ou d’un individu. Selon cette position, personne n’est en droit de disposer des végétaux selon son bon plaisir. »
Etant entendu que je ne suis pas suisse et que personne, parmi les lecteurs de ce blog, ne l’est non plus (ou alors, qu’il aille se dénoncer à la police fédérale !), cette farce ne nous concerne presque pas. Les Suisses peuvent payer des penseurs à discuter sur le sexe des anges ou la grandeur morale de la laitue, qu’est-ce que ça peut te foutre, me demanderas-tu, lecteur impatient. Il ne faut pas oublier un des mécanismes les plus sournois du Progrès (dans son volet intégristo crétino moral) : l’exemple. On nous dit souvent que telle ou telle mesure devrait être appliquée en France au motif que « trois mille pays l’ont déjà adoptée », ou qu’il faudrait au contraire abolir un de nos charmants archaïsmes (la langue française, par exemple) puisque la quasi-totalité du cosmos ne l’utilise pas ! Quand ça les arrange, les suppôts du Bien proposent toujours l’exemple étranger, fût-il minoritaire, pour faire honte aux réacs, aux conservateurs, aux indifférents et aux fils de pute. Alors quand le collectionneur de bonsaïs entendra sonner à la porte de son jardin (oui, ces cons-là installent des sonnettes dans leurs jardins, c’est connu), il devra bientôt se demander si ce n’est pas la police qui vient le priver de son « bon plaisir » de rempoter.