mercredi 11 novembre 2009
Con et Gourd à la fois
Dans un monde parfait, ni le prix Goncourt ni Eric Raoult n’existeraient. Mais nous ne sommes pas dans un monde parfait, chaque jour nous en convainc.
Il y a des gens pour qui le prix Goncourt représente quelque chose. En dehors du lauréat lui-même, dont on peut comprendre qu’il ne crache pas sur 237 000 livres vendus en moyenne, un lecteur éclairé n’a pourtant que foutre de savoir qu’une académie de dix pépés a trouvé tel ou tel ouvrage plus chouette qu’un autre. Mais la question du jour ne repose pas vraiment sur le prix Goncourt lui-même, pas plus que sur Marie N’Diaye ni sur Eric Raoult. Le sujet du jour, c’est la bêtise.
Dans une interview sans aucun intérêt, Marie N’Diaye fait référence à une phrase de Marguerite Duras, phrase qu’elle qualifie elle-même de « un peu bête » : « La droite, c’est la mort ». L’euphémisante engoncourée avoue d’ailleurs être partie s’installer en Allemagne après l’élection de Sarkozy parce qu’elle ne supporte pas la droite. Evidemment, elle est obligée de reconnaître que Merkel est aussi « de droite », mais ça fait rien : c’est pas parce qu’on est prix Goncourt qu’on doit être précis dans ses jugements, merde ! Enfin, si l’on demandait aux écrivains d’être fins, nuancés, justes, réalistes, cohérents, cultivés, intelligents, autant leur sucrer le droit d’expression tout de suite ! No pasaran !
La N’Diaye exprime son dégoût de « la France de Sarkozy », selon la poétique expression du journaliste, et c’est bien son droit. J’ajoute même que c’est le minimum qu’elle peut faire si elle veut booster un peu ses ventes. Logique : à part Eric Raoult, Bernard Couche-Nerfs et Brice Hortefeux, PERSONNE n’est satisfait de la France du Pézident, personne ! Autant hurler dans le sens des postillons en espérant trouver 237 000 mécontents pour acheter son livre.
Eric Raoult est une sorte de créature née de l’imagination de scénaristes peu scrupuleux. Habitués des grosses ficelles et ne reculant devant aucun cliché, ces fumiers-là nous ont pondu un député comme le monde réel ne nous en donne pas l’exemple, l’équivalent du Méchant-Général-à-Casquette des films de Costa-gavras, la version costardée du Gros-beauf-en-Survêtement-qui-fait-ses-courses-à-Carrefour, ou l’équivalent droitard du Connard-Altermondialiste-qui-porte-une-putain-d’écharpe-dégueu-même-en-plein-été-et-qui-roule-ses-clopes-lui-même. Oui, quand on veut fusionner tous les caractères d’un genre en un seul personnage, quand on veut créer un héros à la hauteur d’un Thénardier, on n’y va pas avec le dos de la main morte : on cliche. Raoult est ça : un cliché. C’est pour ça qu’il serait parfaitement lâche de s’attaquer à Raoult : aucun risque de se tromper, toutes les insultes lui vont. Je ne le ferai donc pas.
Une Prigoncourt dit donc des bêtises en citant une phrase « un peu bête » d’une ancienne Prigoncourt. Elle scandalise évidemment Eric Raoult, le plus bête des Français (il a été crée pour ça, je vous le rappelle, il n’est pas responsable), qui balance donc une bêtise hilarante dans les médias. Mécaniquement conçus comme une caisse de résonance de la bêtise, ceux-ci répercutent non seulement la bêtise parlementaire mais aussi le concert bête de tous ceux qui croient que la liberté d’expression est menacée. Aucun danger : pour que la liberté d’expression soit attaquée, encore faut-il qu’il y ait expression. Ce que dit N’Diaye, c’est juste le stade avant l’expression, c’est la préhistoire du discours, c’est la prime enfance de l’art. Ce que répond Raoult en est donc l’écho fidèle. La France de Sarkozy fonctionne parfaitement.