vendredi 30 avril 2010
Echec et stigmate.
Stigmatiser, c’est appliquer une marque qui distingue un sujet dans un ensemble. En France, il est maintenant très connu qu’il faut absolument tout faire pour ne jamais stigmatiser personne, surtout ceux dont les choix et le comportement général sont des stigmates volontaires. C’est le truc à la mode.
Quand une femme se promène le visage dissimulé à Ouarzazate, elle est dans la norme. Le stigmate, ce serait la mini jupe, et ça ne durerait pas longtemps. Quand la même femme se promène voilée à Clermont-Ferrand, elle est soit complètement bouchée, soit parfaitement consciente d’être en totale contradiction avec les mœurs locales, qui en valent bien d’autres. Elle se stigmatise elle-même. Elle s’applique une marque (son voile) pour montrer au cosmos qu’elle est une bonne soumise et, par la même occasion, elle indique le peu de cas qu’elle fait de celles qui ne le sont pas autant qu’elle. Il est donc juste de veiller à ne pas stigmatiser les femmes voilées : elles font ça très bien elles-mêmes. Mais il est tout aussi inutile de reprocher à la majorité (réputée opprimante et intrinsèquement débile) de stigmatiser une minorité (réputée digne et victime) qui ne se conçoit que différente, en opposition, singulière, étanche, et accoutrée de façon à ce que personne ne l’oublie.
Le débat sur le voile intégral (j’adore cette expression, que je rapproche d’une chose qui a presque disparu de nos plages : le nudisme dit « intégral ») est une nouvelle occasion de discutaillages en série sur le licite et l’indigne, le permis et la liberté, la tradition et le droit des femmes à renoncer à la vie, etc. Et comme pour tous les sujets, on peut s’échanger des arguments jusqu’à la fin des temps : la question n’est pas là. La question est de choisir parmi les arguments ceux qu’on privilégie, et ceux qui sont secondaires. Or, le problème du voile est avant tout celui de mouvements prosélytes, politiquement actifs, dont l’action a déjà pu se juger dans quelques pays étrangers, et qui utilisent le voile comme un emblème, un drapeau, une marque publicitaire dans le grand marché libre des populations à convaincre. Qu’on trouve encore des benêts pour se demander si ces filles sont « volontaires », ou pas, prouve bien que malgré l’explosion quantitative des moyens de s’informer, il est toujours aussi difficile de trouver une tête bien faite, et qui a su rester saine.
N’en déplaise aux féministes, le sort de quelques milliers de connasses est moins important, à titre individuel, que celui d’une idée qui a droit à sa fierté : l’art de vivre à la française. Et l’art de vivre à la française, au moins dans mon esprit, exclut radicalement le salafisme à barbouze, le tabligh à burqua et autres sornettes venus du ciel pour nous indiquer comment vivre ici et maintenant.
La meilleure illustration de cette simple opinion, c’est sur Causeur qu’on la trouve.