dimanche 29 mai 2011
Fuminisme : défense des fumistes.
L’affaire DSK est une aubaine pour les médias, elle fait vendre beaucoup plus de papier qu’un bombardement de civils en Syrie ou une énième éruption violente du côté de Gaza. C’est ainsi. Il faut reconnaître que l’affaire DSK est avantageuse. Il est nécessaire de se documenter, par exemple, si vous voulez donner un avis un peu pertinent sur le conflit Israël / monde arabe. Il faut se farcir des livres d’histoire, apprendre quelques faits et réaliser le tri entre les interprétations des uns et des autres. Idem si vous avez l’intention de l’ouvrir sans dire trop de conneries à propos de la Côte d’Ivoire, du Soudan, de Fukushima et même d’un discours du pape. Mais l’affaire DSK, un régal ! On peut y aller, balancer sa certitude sans risque, puisque l’éventuel contradicteur ne dispose pas, de toute façon, d’argument plus fondé que le vôtre. Même s’il n’a rien à en dire, chacun a un avis et tient à l’exprimer !
Il est comme ça, le Français : quand on lui embastille son président du FMI, il commente ! Et merde, il a bien le droit ! Il commente au boulot, en famille, au bistrot et, natürlich, sur Internet. Mais qu’est-ce qu’Internet, après tout ? Quelle fonction ça remplit, Internet ? Grosso modo, celle d’un bistrot. Un « endroit » où l’on peut ouvrir sa gueule et partager quelques impressions. Internet, c’est du lien social à l’échelle industrielle. Alors, quand un très gros bonnet se fait pincer dans une sordide histoire, on commente, on glose, on participe à l’Histoire. On est d’abord stupéfié, puis on se marre, on galèje, on exagère. On fabrique du lien social sur le dos du cador. On est peuple. Et puis, il y a tellement de gens qui prétendent détenir la vérité sur l’Affaire, qu’au fond, personne n’y croit. Qu’importe, après tout, ce n’est que de l’écume.
C’est pourtant sur cette écume, ce rien-du- tout, ces propos de café du commerce que nos féministes s’appuient pour repartir au combat. Quoi ?!! On aurait violé une femme à New York ?! On aurait bousculé une minette à la sortie d’une boîte de nuit ? On aurait manqué de respect à ma grand-mère ? On aurait plaisanté grassement sur les cuisses tout aussi grasses d’une caissière à mi-temps chez Ed l’Epicier ? On aurait fait de l’esprit sur celui des femmes, qui, chacun le sait, ne diffère pourtant EN RIEN de celui des hommes ?! Formons nos bataillons, mes sœurs, et allons dénoncer l’hydre masculine et sa gigantesque bite mentale !
Alors qu’une femme vient d’être arrêtée en Arabie Saoudite parce qu’elle conduisait une simple bagnole, des féministes organisent en France une manifestation pour s’opposer au climat misogyne qui régnerait en ce moment dans la patrie de DSK. La disproportion entre les rodomontades féministes parisiennes et les sujets réellement scandaleux que l’actualité nous rappelle, est encore une fois l’occasion d’une affligeante méditation. Tel l’antinazi du XXIème siècle, qui continue d’œuvrer et de lever le poing, même sans trouver le moindre nazi à se mettre sous la dent, la féministe française de 2011 fait tout pour faire croire que le sujet de sa « lutte » est encore brûlant. Alors qu’il pue le moisi comme une vieille ration de la guerre de 14.
Passons sur les offuscations de circonstances : certaines prétendent qu’on nage dans un climat de gaudriole appelant les Assises. Je ne renchérirai donc pas. Retenons plutôt ce chiffre effrayant, époustouflant, brandi comme une injonction à un peu de décence : 75 000 viols par an, en France ! Aha, on fait moins les malins ! Le message est donc clair : que tous ceux qui s’amusent et font de l’esprit sur la femme de chambre DSKisée se rappellent qu’en France, chaque année, on viole 75 000 femmes, bordel !
Il y a déjà quelques temps que des chiffres jonglant avec les dizaines de milliers (voir les centaines de milliers) circulent ici ou là sur ce sujet. L’Etat n’avance curieusement aucun chiffre précis, laissant ce soin à d’obscures associations qui ont, fort logiquement, un bel intérêt à démontrer que leur raison d’être ne repose pas sur du vent. Tout le monde est d’accord pour suspecter une association de défense de l’agriculture intensive, par exemple, de ne pas être neutre dans son combat, ni dans sa façon de mener ses travaux. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, une association de lutte féministe, pour utile qu’elle soit, a intérêt à démontrer que son combat est justifié, nécessaire, indispensable. (Je me souviens d’un pote qui pondait sa thèse de doctorat sur l’apartheid sud africain au moment où celui-ci fut aboli : une gueule de six pieds de long). Il est donc normal de prendre les chiffres avancés par toute association, même féministe, avec un minimum de précautions.
Allons-y pour les précautions. On laisse n’importe quel chiffre se répandre dans les médias sans faire aucune vérification. N’étant pas un spécialiste des viols, n’étant même pas violeur moi-même (oh, ça va, c’est une petite vanne), j’expose ici ma pseudo méthode, qui est rudimentaire : je cherchouille sur Internet, pas plus.
Que trouvé-je ?
On parle de 75 000 viols annuels en France. Bon. Pourtant, une enquête américaine de 2004 – 2005 n’en donnait que 60 080 aux Etats-Unis, un pays quatre fois plus peuplé que le nôtre, et réputé en général pour sa grande violence. De plus, cette enquête américaine estimait que seulement 41% des viols étaient déclarés. En France, à en croire les militantes, ce chiffre serait inférieur à 10%, et personne n’est capable d’expliquer cette monstrueuse différence…
Mieux : Wikipédia nous apprend que l’Afrique du sud serait le pays du monde où l’on dénombre le plus de viols : 147 par jour ! Atroce ! Mais c’est compter sans la french touch : 75 000 divisé par 365, ça donne 205 viols quotidiens ! L’Afrique du sud enfoncée ! Ça ressemble de plus en plus à un canular. Un peu comme si certains, ou certaines, avaient intérêt à répandre des chiffres dopés à l’hélium… D’ailleurs, quand l’Enquête Nationale sur les Violences Envers les Femmes en France (ENVEFF) donne les chiffres de la gendarmerie et de la police (pour 1998), on arrive à 7828 viols annuels, c'est-à-dire 21 par jour. On est loin, et heureusement, de 205…
Pour aborder très rapidement un point de méthode qui ferait sourire de commisération un enfant de huit ans, je citerai cette perle méthodologique de l’ENVEFF. Un panel de femmes est constitué. Il apparaît que 0,3% de ces femmes disent avoir été violées. On applique ensuite ce pourcentage à l’ensemble de la population féminine française (ce qui donne les fameux 75 000 viols). Puis, constatant que les chiffres des plaintes enregistrées sont époustouflamment inférieurs, on en infère que seulement 5% des femmes violées portent plainte. La seule et unique chose qu’on remet donc en question, ce sont les chiffres officiels des plaintes…
« Si l'on applique cette dernière proportion aux 15,9 millions de femmes âgées de 20 à 59 ans vivant en France métropolitaine (lors du recensement de 1999), ce sont quelque 48 000 femmes âgées de 20 à 59 ans qui auraient été victimes de viol dans l'année (2). Cette estimation est à rapprocher des déclarations faites à la police et à la gendarmerie : 7 828 viols en 1998, dont 3 350 concernaient des personnes majeures. Seuls environ 5 % des viols de femmes majeures feraient ainsi l'objet d'une plainte. »
Autre exemple ? Sur une recherche Google, le premier site apparaissant quand on demande « viols en France statistiques », c’est SOSfemmes.com. Il titre « au moins 25 000 viols en France » et l’illustre par cette phrase effrayante : une femme violée toutes les deux heures ». Oui, mais une femme violée toutes les deux heures, ça nous donne un total de 4380, c'est-à-dire cinq fois moins que ce qu’annonce le titre de l’article ! Tout est comme ça. Aussi surprenant que ça puisse paraître, dès qu’on aborde le sujet du viol en France, on nage en pleine décontraction…
Enfin, pour étayer mes doutes sur les chiffres avancés par les Combattantes, je rapprocherai les supposés 75 000 viols annuels des 68 512 accidents de la route enregistrés en 2009 en France. Ouais : moins que des viols ! Posons-nous alors la question suivante : à titre personnel, dans notre entourage, nos amis, notre famille, connaissons-nous plus de victimes de viols ou d’accident de bagnole ? Hum ? Allez, fuministes, circulez !
Je prétends qu’en matière de violence contre les femmes et en matière de viol, par peur d’être désigné « négationniste », on laisse le champ libre au militantisme le plus exalté. Une contradiction sur les chiffres avancés et hop, on vous soupçonne d’être favorable au viol, d’en faire l’apologie ! Le sujet de la violence sexuelle contre les femmes est un tabou, une friche dont on laisse l’usufruit à des militants déterminés à faire peser sur tous les hommes un soupçon infâmant. Vieille technique utilisée par tous les lobbies, il s’agit alors de gonfler la réalité, d’amplifier le danger pour que des mesures radicales soient prises. Un peu comme ces manuels scolaires du début des années 80 qui nous expliquaient qu’avant l’an 2000, les réserves pétrolières mondiales seraient quasi éteintes… Pire, plus ambitieux et jamais clairement dit, en répandant l’idée que des dizaines de milliers de viols sont commis en France chaque année, il s’agit surtout d’établir un climat mental de culpabilité générale chez les hommes. Le bon vieux truc des méchants et des gentils.
Autre point désagréable : les fausses accusations de viol. On a beaucoup parlé de présomption d’innocence et de présomption de véracité (pour les accusations de la plaignante), mais une chose demeure certaine, malgré toutes les présomptions : les enquêteurs doivent étudier toutes les hypothèses, y compris celle où la victime raconterait des bobards. C’est d’ailleurs la meilleure et la seule façon de faire honneur à la présomption d’innocence dont on se remplit la bouche sur les plateaux de télévision. Or, des études montrent qu’en matière de viol, la fausse accusation est une pratique massive, et bien connue des spécialistes. Sans même rappeler les fausses accusations d’Outreau, des études jamais évoquées par les médias montrent que les fausses accusations de viols peuvent représenter jusqu’à 40% des cas ! (lisez ceci) Évidemment, les militantes fuministes rejettent en bloc ces chiffres (pour le cas improbable où on les produirait), en vertu de la mécanique d’intérêts que j’ai évoquée en introduction.
DSK et les femmes, c’est un sujet idéal pour vendre du papier. Il est riche, elle est pauvre. Il est puissant, elle balaie les chambres. Il a des avocats, elle a des huissiers aux trousses. C’est un homme, c’est une femme. Il est blanc, elle est noire. Un mauvais scénariste de série télé aurait reculé devant un tel simplisme. Pas les fuministes français.