mercredi 30 janvier 2008

Rembobinage du temps


Peut-on encore attendre quelque chose d’un artiste approchant les 70 ans ? La plupart du temps, non. Il se répète, il se plagie, il refait souvent moins bien ce qui a fait de lui un artiste et, c’est le plus grave, sans se rendre compte que son époque est passée. Quand on pense à Charles Trenet, à sa vivacité, à sa grâce des années de jeunesse, on est affligé d’entendre les poussifs poèmes de concours qu’il débita jusqu’à la fin. Cette remarque est encore plus vraie pour Aznavour, incapable de faire une seule bonne chanson depuis la fin des années 70, et pourtant, le bougre pond ! Les exceptions du genre Gainsbourg et Nougaro, pour rester dans le domaine de la chanson, en sont d’autant plus remarquables.

J.J. Cale sort un nouvel album, Rewind, et il a justement 70 balais. Il y a donc de quoi se méfier, sauf que l’album est composé de morceaux inédits enregistrés entre 1973 et 1983, c'est-à-dire sa plus belle période. Comme s’il avait 35 ans de moins. Sur les quatorze chansons proposées, huit seulement furent écrites pas Cale, et comme par hasard, ce sont les meilleures. Les autres n’arrivent pas à s’échapper de cette banalité qui plombe le blues, cette lourdeur du cliché et de la formule répétée génération après génération, qui fait, à la longue, totalement chier. Il reste alors les huit autres chansons, inégales mais bien dans la veine du mec, tant dans les arrangements que dans le son et le feeling qui font son génie. Dans des morceaux comme Since you said goodbye ou Lawdy mama, on retrouve son mélange unique de rock, de jazz, de blues et de country aussi efficace qu’à l’époque, et pour cause, et sa façon de jouer laid back qui est probablement le liant de l’ensemble. En gros, jouer laid back, c’est jouer « au fond du temps » (des queues de cerises qu’on ne peut pas écrire en musique, mais qui font la différence), pas lourdement sur le temps comme un gros bœuf mais presque juste après... C’est également, soit dit en passant, le secret du swing et ça explique peut-être que J.J. Cale réussisse à composer des blues qui n’endorment personne. Au final, ça fait un album moins parfait que les chefs d’œuvres du passé, moins homogène, mais riche de quelques pépites superbes.

ATTENTION. Si ce petit texte devait donner envie à quelqu’un d’acheter Rewind, qu’il soit bien entendu que je déconseille fortement d’acheter 22,26 euros à la Fnac ce qu’on trouve à 10.5 euros port compris sur Caïman… On est cons, mais pas au point d’acheter quoi que ce soit à la Fnac.