lundi 22 mars 2010
Nabe au ban
Depuis ma prime adolescence, je fréquente des librairies. Je peux affirmer que j’ai, dans ce domaine, une putain d’expérience. J’ai connu beaucoup de libraires, j’ai moi-même été bouquiniste, personne n’est parfait. Il est rarissime de rencontrer une personne de valeur parmi cette faune-là. Par personne de valeur, j’entends quelqu’un qui aime, connaît et fréquente la littérature. Pour le dire plus vite, quelqu’un qui lit. Un libraire qui lit est bien plus rare qu’un vendeur de chez Go Sport qui fait lui-même du sport. J’affirme que les vendeurs de chez Go Sport, les esclaves de chez Quick et les connasses de la Foirfouille sont plus compétents pour vendre leur came que la quasi-totalité des libraires. Même les libraires en BD lisent et connaissent vraiment la bande dessinée. Les libraires tout court, eux, ne connaissent la plupart du temps que les catalogues.
D’ailleurs, quelqu’un qui aime vraiment les livres ne fait pas profession de les vendre : il se les garde !
Marc-Edouard Nabe n’a pas que des qualités. Il n’a pas non plus que des défauts. Il pourrait donc être, somme toute, un type assez normal. Néanmoins, il a une tendance à ne rien faire comme tout le monde qui le rend intéressant.
Son dernier ouvrage, L'homme qui arrêta d'écrire, paraît sans maison d’édition. Après avoir été le seul écrivain mensualisé (par les Editions du Rocher, en leur temps), il sort lui-même son dernier livre, sans éditeur, et sans distributeur. On ne le trouvera donc pas en librairie, mais uniquement en vente par correspondance sur le site de l’écrivain. Comme il ne fait rien comme tout le monde, il a également réussi à récupérer les droits de 22 de ses 26 livres publiés précédemment, ainsi que les stocks d’invendus. Il est donc parti pour tenter ce qui n’a pas été fait jusqu’ici : être un écrivain connu sans éditeur, qui fabrique et vend lui-même ses livres par Internet. On parle beaucoup de la disparition du livre de papier : Nabe anticipe la disparition des libraires. Bien fait.
N’ayant pas encore lu le livre, je n’en dirai donc rien. Ça viendra. Mais pour avoir une idée du truc et de la démarche de Nabe, vous pourrez écouter le bonhomme ce soir sur France 3 (22h55, chez Taddei).