jeudi 11 septembre 2008

Siné est mort.


Siné est un mec qui arrive à rendre la mauvaise foi, l’aveuglement et le simplisme supportables. Il a la force de ceux qui, contre l’évidence, continuent à croire que l’image qu’ils ont formée du monde est meilleure que le monde lui-même. Il s’est fabriqué une grande mythologie, empruntée à de grands cons anciens, où tout ce qui n’obtient pas son approbation est voué à la fosse d’aisance. Dans sa vision du monde, une chose très pratique est à remarquer : les gentils et les méchants sont séparés par une ligne blanche bien visible, bien droite, et il n’y a qu’à comprendre quel est le bon côté pour savoir définitivement où diriger la lapidation. A toi, lecteur subtil, ce procédé paraît simpliste, injuste et faux. C’est normal : c’est juste parce que tu n’as pas suffisamment foi dans le Progrès ni dans l’Anarchie. Siné, lui, il y croit. C’est, en dépit de ses gueulements, l’un des citoyens les plus croyants qu’on puisse trouver dans la France post-chrétienne. On peut donc lui reprocher beaucoup de choses, ou n’être simplement pas d’accord avec lui sur tel ou tel point, mais cette foi est là, elle structure son discours (à défaut de le rendre vrai), elle est une colonne vertébrale qui lui permet de rester debout quand les arguments de la raison et les faits devraient le ratatiner. C’est un entêtement dont je suis personnellement incapable, et que j’admire : hommage du doute à la brute. Il est néanmoins évident que je n’aimerais pas avoir à discuter avec un tel bouché.

Dans l’affaire qui l’oppose à Philippe Val, la bonne foi est de son côté, de toute évidence. Son article est dans la lignée de ceux qu’il pondait chaque semaine : vachard, brutal, parfois marrant. Qu’on parle d’antisémitisme parce qu’il évoque « une jeune héritière juive » revient à prétendre qu’il est désormais interdit d’associer les mots « juif » et « riche ». C’est absurde. Siné a-t-il prétendu que tous les Juifs sont de riches héritiers ? Non, l’affaire est entendue : il n’a pas été viré pour ça, il a peut-être une « bonne » raison à son licenciement, mais ce n’est pas celle qui est mise en avant.

Siné est une teigne. A ses ennemis, il ne sait rien dire mieux qu’un énorme « merde ! » et il prétend le prouver en sortant un Siné Hebdo qui prétendait « chier dans les bégonias ». On se délectait d’avance. Mais voilà, aujourd’hui que le brûlot est sorti, on est bien obligé de constater la parfaite santé des bégonias. Siné Hebdo est une insignifiante crotte, un morceau de néant sorti d’un asile de vieux. Siné a redonné de la vigueur au terme « poussif » ! Il a fait perdre de la hauteur à la médiocrité ! Cet enragé n’a réussi à mordre rien d’autre que la poussière ! Sans prendre parti et en essayant d’être le plus distancié possible, on est obligé de reconnaître que c’est largement moins bon que Charlie Hebdo ! Tout ça pour ça ? A-t-on le droit de faire un canard lourd et moribond-né quand on a claironné avec autant d’aplomb qu’on allait embraser le cosmos ? Plus qu’une misère technique, plus qu’une absence factuelle de choses drôles et enlevées, ce Que Dalle Hebdo souffre d’un manque d’esprit, un essoufflement congénital. C’est un assemblage de noms qui n’ont peut-être en commun que de vouloir donner un coup de main au vieux, mais qui ne savent pas quoi foutre ensemble. Ce pseudo canard méchant pue le Viagra à plein nez ! la bandaison, papa, ça n’se commande pas ! A part un excellent dessin de Loup et une BD rigolote de Delépine et Aranega, on se fait chier de pages en pages à lire les articulets anémiés de chantres de la révolution violente et permanente. Companieros ! vous vouliez casser la société, et vous n’arrivez même pas à casser la baraque !

Bien qu’il n’ait jamais accordé la moindre attention à la réalité, Siné devrait quand même se rendre à celle-ci : il est bon pour la retraite.