mardi 6 octobre 2009

Exclusif : on veut chasser les Juifs de France !


Dans une France occupée par des communautés, celles-ci n’ont plus qu’à gérer les affaires courantes, la « vigilance » étant dévolue à chacun des citoyens. Une illustration de ce phénomène nous est fournie par l’histoire invraisemblable que connaît un village du Cher, Loye-sur-Arnon, digne d’un Marcel Aymé ou de Clochemerle. Ce village avait une « rue des Juifs ». Transformée en impasse, elle devient « Impasse des pèlerins » parce que son maire n’envisage pas d’accoler le mot « impasse » à celui d’une communauté… Enfin, c’est ce que j’ai compris de l’imbroglio, mais je ne jure de rien, tant la qualité rédactionnelle des journalistes se barre en couilles au pays de Chateaubriand.
Je ne résiste pas à la douleur de livrer en totalité l’article d’un tâcheron de Libé Orléans sur le sujet :
« POLEMIQUE. Loye-sur-Arnon (Cher) n’a plus de «rue des Juifs». Elle vient d’être débaptisée au profit d’une «Impasse des Pèlerins». En cause, selon Jean-Paul Joliet, le maire de cette commune de 300 habitants, un banal problème de voirie: «La rue a été transformée en impasse et je me refuse à imposer cette terminologie à une communauté, quelle qu’elle soit. Ce serait discriminatoire».
Pour Gérard Julien, l’un de ses administrés qui a saisi la Licra (ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme), l’intention est plus maligne: «Je n’ai jamais soupçonné ou accusé le maire d’antisémitisme. Par contre, dans son entourage direct…». L’habitant s’appuie sur un courrier du maire qui explique que certaines personnes auraient dénoncé le «caractère significatif» du nom «Juif». «Pourquoi légiférer sur une voie étroite qui ne voit passer qu’un pèlerin (sic) par jour?».
Mercredi soir dernier, «dans un souci d’apaisement», le conseil municipal a voté à l’unanimité l’apposition d’une double plaque «Impasse des Pèlerins» et «Ancienne rue des Juifs». Mais cette mesure ne contente toujours pas Gérard Julien. «Les Juifs sont aussi des pèlerins!», s’emporte-t-il.
L’administré se réserve la possibilité d’ester en justice. «Si la mairie campe sur ses positions, j’irai devant le tribunal administratif».
Mourad Guichard »

Dans le texte ci-dessus, après le « ce serait discriminatoire », le point culminant du comique vient évidemment de «Les Juifs sont aussi des pèlerins!», dont Philippe Muray aurait sûrement fait son miel. On nage en pleine fiction, c'est-à-dire en pleine réalité moderne. Pour le reste, il faudrait un nez de pointer pour y piger quelque chose. Mais ça, c’est sans doute l’effet Libé.
L’histoire en elle-même n’a pas (encore) ce caractère de gravité qui justifierait l’intervention de l’armée, mais on sent bien que si un accusé se mettait en tête de « résister » (c’est à dire s’il ne chiait pas dans son froc derechef), le sang pourrait gicler, les avocats et procureurs se mettraient en branle, les grands mots retentiraient ici-bas et BHL se fendrait d’une diatribe sans réplique, entre un éloge de Ségolène Royal et une ode à Paupolanski. La susceptibilité publique est méchamment titillée, ou je ne m’y connais pas.
Autant le dire tout de suite, je suis par principe opposé à ce qu’on change le noms des rues, sous n’importe quel prétexte. La toponymie étant en quelque sorte la trace écrite de l’histoire, y toucher relève tout simplement de la falsification révisionniste et devrait être puni du cachot, au pain sec et à l’eau avec obligation de regarder la télévision (toutes les chaînes, y compris les séries québécoises). Mais de là à voir de l’antisémitisme dans un changement de nom de rue, qui reste une chose hélas courante, il y a de la marge. Et les sempiternelles Licra et consorts qui pointent leurs canons de flingues, comme dans le plus affreux cauchemar, prêts à bousiller le récalcitrant… L’indice que l’esprit de flicage a gagné, c’est qu’il devient impossible de faire quoi que ce soit aujourd’hui sans qu’un soupçon d’infamie ne se pointe. Il semble même que l’actualité française ne soit plus que ça, entre antisémitisme, homophobie, racisme, islamoméfiance, handicapophobie, filsdeputophobie, philatélophobie, phobophobie rampante et discrimination à l’encontre des virus asiatiques. Contre toute évidence, les vigiles sont vigilants, ils sont prêts, mais comme le lieutenant Drogo, ils manquent des Tartares qui justifieraient leur existence, ou au moins leurs énormes salaires. Jamais la tolérance envers le cosmos entier n’a été aussi forte et jamais on ne s’est autant accusés d'intolérance. Jamais la France n’a été aussi ouverte, économiquement, culturellement, et on crie au repli frileux. Jamais la vie n’a été aussi confortable et on se plaint du moindre risque. Jamais on a vécu aussi vieux et on déplore les « atteintes à la santé publique ». Jamais nous n’avons autant consommé et on prétend s’être appauvris. Jamais on ne s’est autant drapé dans les slips de la révolte et de l’anticonformisme (ils sont vastes, on peut s’en draper, oui) et on traque la moindre action, la moindre parole déviante. La France passe d’une nouveauté à l’autre en permanence et ne fait bientôt plus que ça: elle geint et elle s’offusque.
L’ordre moral règne sur une nation de dépressifs.
On est dans la merde.