mardi 19 janvier 2010

Air France : les gros moyens.


Tous ceux qui ont déjà pris l’avion savent que les passagers y sont traités comme de la merde. A moins de voyager en première classe ou, plus encore, en business class, les clampins sont assis sur des sièges étroits, installés aussi près que possible les uns des autres. Quand un type devant toi se met en tête d’incliner son dossier pour piquer un somme ou pour faire un putain de sudoku, il ne reste généralement que quelques centimètres entre l’arrière de son dossier et ton pif. Il ne s’agit plus d’avoir envie d’éternuer, ou c’est l’incident.
Air France a choisi de franchir une étape supplémentaire dans la déshumanisation totale de ces connards de touristes : désormais, les gros payeront deux places. La manœuvre est simple : on généralise des sièges étroits, sans espace entre eux ; puis ont décrète que les gens ne pouvant pas y insérer leurs fesses devront en louer deux. C’est arithmétique, c’est simple, ça rapporte.

Messieurs les terroristes ont beaucoup œuvré pour que les contrôles d’accès aux avions deviennent de plus en plus inquisitoriaux. De la fouille des bagages aux mains baladeuses, du portique anti-ferraille au scanner corporel, les mesures prises pour éviter leurs conneries explosives se sont progressivement rapprochées de celles réservées d’ordinaire au bétail. Mais, me diras-tu, lecteur globe-trotteur, c’est pour une raison de sécurité collective. Oui, c’est vrai. En revanche, l’idée de faire payer le voyage au poids, elle, n’a rien à voir avec la sécurité, quoi qu’en disent ces faux derches d’Air France. Il y a deux ans, d'ailleurs, l’avide compagnie aérienne avait dû lâcher de l’oseille à un passager qui avait le tort de peser 160 kilos, et qui avait dû acheter deux places pour y poser son prose encombrant. Les juges avaient condamné Air France à des broutilles.

Le métro parisien a été construit à une époque où les gens étaient petits. Bon. Les rames sont étroites, elles vont et viennent dans des tunnels étroits, et les sièges sont ridicules. On comprend qu’on a du mal à percer partout des tunnels plus larges pour le confort de nos popotins : OK. Mais les métros qui se construisent depuis, ailleurs qu’à Paris, pardon ! C’est du large. On ne lésine pas pour trois centimètres, on prévoit maousse. On fait, en somme, ce qui est normal dans une société civilisée : on adapte la machine à l’homme, et non l’inverse.

Jusqu’à ces dernières semaines, il était à peu près convenu à la surface de la Terre que la dignité d’homme (et de femme, je cause ici pour toute l’humanité !) était attribuée à chaque individu, ni plus ni moins. Un homme = un vote, par exemple, est l’application de ce principe. Air France voit les choses autrement : un individu ? Combien de kilos ? Comme un viandard compte le bœuf à la tonne, la compagnie française discrimine à tout va en fonction de ton tour de cul ! Si on y réfléchit un peu, l’idée est opportune : il paraît que la population grossit, et que le pire est à venir. Les difficultés financières d’Air France sont peut-être en passe de s’alléger, à mesure que le poids moyen du passager s’accroît. Et, comme les individus grandissent aussi, si Air France trouvait le moyen de réduire encore la distance séparant les rangées de sièges, d’ici vingt ans, elle pourra exiger que les grands achètent deux places : l’une devant, l’autre derrière ! Mieux : pour rationaliser encore plus le stockage des voyageurs, l’idée ultime serait de supprimer complètement les sièges pour ne garder que les accoudoirs : les passagers seraient clipsés directement dessus, avec consigne de ne pas desserrer les fesses avant l’arrêt total en bout de piste !
Jusqu’à présent, l’idée de vendre un billet pour le prix de deux était cantonnée aux comédies burlesques ou aux blagues pied-noires : qu’on se le dise, Air France ne rigole plus.