mercredi 9 décembre 2009

Afreucentrisme



Depuis soixante-dix ans, on a souvent constaté que les Etats-Unis donnent le ton de ce qui se fait en France, avec un décalage d’une dizaine d’années en général. Pour le meilleur ou pour le pire, nous reproduisons curieusement des comportements qui nous sont étrangers, et ceci sans y être contraints par la force, sans qu’une quelconque colonisation à l’ancienne puisse être invoquée. Une hypothèse s’impose : vivant peu ou prou dans le même système économico politique, les mêmes causes là-bas produisent les mêmes effets ici, question de temps. Les Etats-Unis ne sont cependant pas les seuls à donner le la de la musique française, et on a pu voir des modes d’origine nippone, par exemple, enlaidir notre paysage comme si elles étaient 100% yankee ! Le Canada me semble, lui aussi, un bon postulant dans ce rôle : depuis la rentrée scolaire 2009, en effet, la ville de Toronto finance une école afrocentriste
En gros, il s’agit d’une école (financement public !) qui « met l’accent sur la culture des Noirs à travers l’enseignement », et qui est destinée à des élèves Noirs (pour l’heure, les Blancs sont admis – leur éviction pure et simple n’étant peut-être pas possible légalement). Pour l’afrocentriste, il n’est plus question d’enseigner l’histoire du Canada (ni celle du monde) comme avant, il faut y ajouter le prisme de la couleur de la peau : c’est évidemment là que se situe le progrès. Mais l’enseignement ne se limite pas à l’histoire, évidemment, l’enseignement c’est bien plus vaste, c’est immense, c’est illimité, ça mérite une majuscule ! L’afrocentriste tâchera donc de mettre en exergue le rôle des Noirs dans la comptabilité, leurs apports théoriques à la mécanique des fluides, la spécificité noire en matière d’aérodynamisme, de résistance des matériaux ou de circulation sanguine et fera, bien sûr, la part belle à l’Afrique sur le sujet passionnant de l’antimatière. On va voir ce qu’on va voir…
Pour réduire l’échec scolaire des élèves canadiens noirs, l’ambition affichée est de leur donner des références auxquelles ils puissent s’identifier, car il doit être établi que l’élève noir ne peut en aucun cas s’identifier au reste du genre humain (c’est donc, très exactement, ce qu’on a coutume d’appeler un gros con). Bref, on met en place un enseignement spécial pour des gens qui sont pourtant censés s’intégrer à un tout, c’est comme ça. Les responsables de cette école étrange précisent paradoxalement que « les élèves utiliseront le même terrain de jeux que ceux de l'école publique adjacente », ce qui démontre leur courage : ils ne reculent pas devant l’idée hardie que de petits Noirs puissent échanger un ballon ou un saute-mouton avec de petits Blancs !
Afrocentriste, c’est le terme qu’on utilise quand on met en place une pensée qui tourne autour de l’Afrique. Une géographie afrocentriste, par exemple, placera l’Afrique au centre du monde, même s’il l’on sait depuis longtemps que celui-ci se situe en gare de Perpignan. Pour un afrocentriste comme pour un panamocentriste (le Panama éternel, père de la civilisation) qu’importe les faits et ne comptent que ceux qui intéressent la Cause ! Et pour obtenir de bons résultats, naturellement, les professeurs devront être noirs eux-mêmes. Au Canada, on ne lésine pas, on est décomplexé, on met le paquet ! Au moment de l’abandon de l’apartheid en Afrique du sud, si l’on m’avait dit que vingt ans plus tard, des Noirs du Canada mettraient eux-mêmes en place les prémisses d’un « développement séparé », j’aurais vraiment rigolé. J’aurais eu tort, une fois de plus. La réalité ne dépasse pas la fiction, elle l’écrase, elle l’atomise, elle lui éclate sa face ! Elle la polanskyse !
A l’heure de la mondialisation, de la circulation des personnes en tous sens, il est bien logique qu’on assiste à des retours de bâton, à ce qu’on appelle comiquement des « crispations identitaires ». Le principe d’action/ réaction demeure l’explication la plus valide de la plupart des mouvements de l’histoire. Il explique d’ailleurs en bonne partie le dernier vote du peuple suisse concernant les minarets ou le soudain revival de la religion musulmane dans un grand nombre de pays. Mais si on condamne généralement les crispations des populations des pays accueillants, on est toujours plein de compréhension pour celles qui émanent des émigrés, et je me demande bien au nom de quoi.
On peut aussi se poser la question de savoir ce qui composera ce curieux enseignement centré sur l’apport des Noirs à la civilisation. Loin de moi l’idée de contester l’immense apport africain à la civilisation, naturellement, mais encore faut-il savoir de quelle civilisation l’on parle. S’il s’agit de la civilisation européenne, d’où le canada est directement issu, l’apport est mince, voire minuscule. N’oublions pas qu’avant les Portugais du XVème siècle, l’Europe n’a aucun contact avec l’Afrique sub-saharienne. Même en se concentrant sur les périodes récentes de l’Histoire, où les contacts furent plus fréquents, les rapports de domination et de forces ont fait que la civilisation européenne s’est imposée, c’est un fait, et qu’elle n’a pas trop eu besoin de « l’aide » africaine pour ça. Quoi qu’il en fût, il faut toujours faire confiance aux révisionnistes, leur imagination ne manque jamais de ressources.
Mais peut-être ne s’agit-il que d’enseigner la « civilisation africaine » dans cette école, et non pas « l’occidentale » ? Peut-être les petits canadiens noirs seront-ils ramenés à leurs plus ou moins lointaines origines par un « enseignement des racines » particulièrement à même de fabriquer de petits citoyens canadiens ? Finalement, dans ce XXIème siècle qui débute, ce siècle de la miniaturisation de la technologie, des communications immédiates, des nano particules et de l’expansion spatiale, de la globalisation de tous les rapports humains, le plus important pour un canadien, c’est peut-être de savoir comment ses ancêtres africains fabriquaient le pain, comment ils portaient l’eau et faisaient allégeance à leur monarque local ? En tous cas, si les élèves de cette école invraisemblable rencontraient quelque difficulté à s’imposer dans la compétition généralisée qui les attend, autant dans leurs carrières que dans leurs vies, dans la confrontation avec « le reste du monde » (et pas seulement étudiant), ils sauraient aisément à qui s’en prendre.


Le plus inquiétant dans cette affaire est bien sûr le caractère exemplaire qu’elle pourrait avoir pour les esprits tordus qui, en France, ont le vent en poupe. Les racialistes sont parmi nous, ils n’ont aucun complexe à dérouler leur discrimination positive et leur enseignement épidermo-différentialiste sur les ventres chétifs de la Constitution et de la désuète vieille dame Egalité. Pire, il semble bien que le courage manque partout pour leur dire merde et les foutre en cabane (lieu idéal entre tous pour goûter les charmes du communautarisme ethno racial). On les a déjà entendu, par exemple, réclamer que l’enseignement en France fasse une plus grande part à l’histoire personnelle des élèves, c'est-à-dire qu’on enseigne l’histoire des pays d’origine de leurs parents et ancêtres. Ainsi, au lieu d’apprendre simplement l’histoire du pays où ils vivent, comme partout dans le monde, les enfants de demain seraient forcés à patauger dans le déterminisme de leurs origines en ressassant éternellement l’histoire de leurs supposés ancêtres d’au-delà des mers… Idéal pour construire l’idée d’appartenance à la France... L’école enseigne-t-elle l’histoire de la Pologne depuis que des immigrés Polonais sont venus s’installer en France ? A-t-on appris l’histoire de l’Espagne, de l’Italie, du Portugal au motif que des millions de travailleurs de ces pays se sont installés ici ? Niet ! Au nom de quoi faudrait-il agir différemment pour les enfants d’immigrés actuels ? Au nom de la couleur de leur peau ? De leur race ? Allez, dites-le ce mot qui occupe toutes vos pensées !
Quoi qu’on pense de l’immigration, de la préservation des modes de vie ou de la persistance de la foire au poulet à Saint-Hilaire-Cusson-la-Valmitte (Loire), on est bien forcé de constater que des millions d’êtres humains n’habitent pas dans le même pays que leurs grands-parents. Je ne suis pas le dernier à remarquer que ça pose des problèmes ni à souhaiter qu’on maîtrise ces flux, mais le bon sens indique que la situation est ce qu’elle est, et qu’il faut faire à partir d’elle. Autrement dit, les populations qui sont en France, pour la plus grande part d’entre elles, y resteront. Dans cette perspective, la situation est celle-ci :
1)Soit on veut que la France reste essentiellement peuplée de Français, c'est-à-dire de gens qui se disent, se sentent et se revendiquent comme tels (quelles que soient leurs putain d’origines), et dans ce cas, on travaille à l’union, à l’intégration et à l’assimilation (gros mot !) de tous dans un ensemble cohérent (ce qui n’exclut pas les fameuses « différences », mais les subordonne à la « ressemblance », ce qui, au passage, suppose aussi un métissage naturel) ;
2) Soit on pense que c’est impossible, on veut conserver des choses incompatibles ou qui braqueront immanquablement chacun contre son voisin, on refuse de se considérer comme un Français parce qu’on est noir de peau ou on refuse au Noir la qualité de français, on met en avant les histoires personnelles de chaque péquin pour mieux enterrer celle qui a fait le pays, on se revendique ontologiquement Indigène de la Républiqueou de Souche, on vise un développement séparé de peuplades étanches et, dans ce cas, si on veut suivre mon conseil, on peut d’ors et déjà prendre son visa pour le Canada.