mardi 9 août 2011

La guerre du froc


Il y a eu le Déluge. Il y a eu Gengis Khan et la Peste Noire. Il y a eu les trompettes de Jéricho. Il y a eu Stalingrad. Il y a eu la Bérézina, l’éruption de la Montagne Pelée, la grippe espagnole. Il y a eu les yéyés. Il y a eu l’incendie de Rome et l’effondrement de Lisbonne. Il y a eu Verdun. Il y a eu Auschwitz et la Révolution Culturelle. L’humanité a souffert, elle a pris des coups et a connu des drames épiques. Puis, il y a eu le pantacourt.

En ce moment même, les amusants idéologues des gender studies tentent de faire croire que l’identité sexuelle est une question de choix (une option performative), que le fait d’être un homme ou une femme n’est qu’une option socialement admise, parmi d’autres, et que la nature n’y a qu’un rôle secondaire. C’est évidemment un tissu d’âneries, mais ces faussaires étant à la mode, il nous faudra quelques décennies pour l’admettre. Il y a pourtant un moyen très simple pour démontrer que l’identité sexuelle est donnée, et non acquise : « la preuve du mollet ».
Observez deux mollets humains, l’un masculin, l’autre féminin. Ils remplissent théoriquement les mêmes fonctions et sont situés aux mêmes endroits. Ils sont pourtant radicalement différents, par un décret souverain de la nature, auquel on ne peut rien. Le mollet féminin est doux, fuselé ou potelé, mince sans être grêle, il enrobe la cheville pour en ôter les nervures, absorbe les malléoles dans un velouté exquis, il rebondit sous l’effet des vibrations, même les plus légères. Il est gai et insouciant. Il ne saurait faire de mal à une mouche. Il est si tendre qu’on en mangerait.
Le mollet masculin, c’est tout l’inverse. Si l’on excepte le phacochère malade et une variété pustuleuse de hyènes hirsutes, la nature n’offre pas de spectacle aussi laid qu’un mollet de mec. Il est velu, anguleux, il laisse saillir des os, il roule sous une peau mince des muscles noueux comme des ceps à piquette, il est plein de nerfs, il est plein de poils, il est dur comme une inutile bite disposée derrière un genou ! Quand il est maigre, il est affreux. Quand il est gros, il est grotesque. Dans les deux cas, il est suprêmement laid. Contrairement au rire, que d’autres mammifères partagent avec nous, le mollet humain est le propre de l’homme : personne d’autre n’en voudrait.
Et c’est à la gloire et pour l’exhibition de cette merde qu’on a conçu et répandu partout le pantacourt !
(En conséquence de ce qui précède, je précise que mes considérations scientifiques à suivre ne concernent pas les femmes. N’en déplaise aux partisans de la parité, sur le point de la laideur, les hommes ont une supériorité indiscutable.)

Qu’est-ce qu’un pantacourt ? Quand on décide d’en immoler un par le feu, comment peut-on être sûr de ne pas sacrifier par erreur un inoffensif bermuda ? C’est simple : un short s’arrête en haut de la cuisse. C’est un ustensile pratique pour courir ou faire le tapin. Un bermuda descend au-dessus du genou : on a rallongé le tissu dans l’espoir sincère, mais vain, de donner de la distinction au porteur de short. Un pantalon un peu trop juste, quant à lui, laisse voir la cheville, c'est-à-dire la chaussette : effet comique garanti, Bourvil lui doit tout. Le pantacourt, enfin, hybride monstrueux que l’avenir jugera, pendouille incompréhensiblement au milieu du mollet, ce muscle idiot. Et, par une cruauté de la nature que rien n’explique, le pantacourt est principalement porté par des hommes bedonnants dont les pans de chemises pendillent eux-aussi, détail qui renforce la mocheté du tableau au-delà du croyable.

La laideur du pantacourt est aussi d’ordre psychologique : c’est l’habit du parfait glandeur. C’est d’ailleurs devenu, en quelques années, l’uniforme du touriste occidental, cet inutile encombreur de ruines antiques. Dans tous les pays assez cons pour l’accueillir, l’homo-pantacouris s’affiche donc tel qu’il est : moche et content de l’être. Ce qui gêne le plus, c’est qu’en effet, le disgracieux s’affirme désormais comme une référence et s’avance en bataillons serrés. On les voit, ces légions à faire peur, marcher du pas nonchalant du congés-payé, mélange de lenteur et d’apathie, tripotant leurs téléphones mobiles d’un pouce mou tandis que quarante siècles les contemplent. Le traîneur de tongs ne s’excuse même plus de dépareiller le genre humain, il se fagote d’un pantacourt bien bariolé, histoire d’offenser l’indigène sans distinction, jusqu’au plus distrait, jusqu’au plus myope ! Armé d’une conscience parfaite de son bon droit, il se pavane avec ostentation, sous le regard affligé de l’hémisphère sud.
Quand il ne part pas en vacances de l’autre côté du globe, l’homo-pantacouris exhibe sa goujaterie en zone tempérée. C’est évidemment là qu’il est le plus atroce, renforcé par la loi du nombre. Si encore il se contentait d’errer à sa place, dans les centres commerciaux, les rues piétonnes et les parcs à schtroumpfs ! Mais non, il s’infiltre dans touts les secteurs, il pollue tout l’espace, il fait de tout recoin sa niche. On le trouve au concert, dans les squares, dans les églises et même, parfois, dans les bibliothèques ! Et partout, comme si ça ne suffisait pas, pour le plus grand malheur de la décence, il ajoute à son accoutrement le détail fatal : la sacoche en bandoulière.
La sacoche-minuscule-portée-en-bandoulière sert souvent de coordonnée au pantacourt. Elle est pour lui ce que l’escarpin est à la jupe. En Europe occidentale, depuis la disparition du catogan, il n’y a pas moyen d’avoir l’air plus con que de porter une sacoche en bandoulière. Et certains s’y adonnent en pantacourt !!

Depuis la Révolution française, il est acquis que les peuples ont vocation à l’émancipation. Le joug le plus méthodique ne saurait plus s’exercer trop longtemps. La liberté (y compris la liberté de s'habiller comme une bouse) guide l'Histoire. Les Russes sont venus à bout de leur esclavage collectiviste et militaire. Les Arabes eux-mêmes sont en train d’abandonner leur fascination pour la tyrannie paternalisto-moustachue. Il y a donc fort à parier que l’humanité, après en avoir beaucoup souffert, se révoltera bientôt contre cette torture vestimentaire, qu’elle inflige à ses membres les plus sensibles. Tant mieux.