Nous sommes entrés dans une période de l’histoire de France où beaucoup de choses qui semblaient acquises, dans l’ordre de la liberté et des mœurs deviennent plus ou moins brutalement inacceptables. Sans parler des fillettes qui hésitent à porter la jupette de peur d’être traitées de salopes, les exemples de tentatives de régler pénalement un différend insignifiant ne manquent pas. Un des plus jolis oppose en ce moment même le Conseil Général de
"Malheureusement, nous n'avons pas pu situer cette histoire dans la région où l'avait placé l'auteur; la plaine du Forez étant maintenant défigurée par l'urbanisation, l'élargissement des routes, le rétrécissement des rivières, la plantation de résineux. Nous avons dû choisir ailleurs en France, comme cadre de cette histoire, des paysages ayant conservé l'essentiel de leur poésie sauvage et de leur charme bucolique".
Atroce, n’est-ce pas ? Immonde ! IN-TO-LE-RA-BLE ! D’où sort ce calomniateur ? Le Conseil Général de
Il fut un temps, pas si lointain, où il était permis à tout le monde, même à un vulgaire cinéaste, d’exprimer des goûts personnels sans qu’ils soient pris comme des insultes à laver par la geôle. On pouvait clamer qu’Haussmann défigurait Paris sans avoir à s’excuser devant le juge. On pouvait, il y a moins de quarante ans, vomir sur le Centre Pompidou sans risquer l’attaque pénale. Cette liberté de dire des mots (et potentiellement, tous les mots sont blessants, même mon chéri, selon le contexte) n’a peut-être pas entièrement disparue, mais certains s’en occupent…
Cette surveillance de la parole, couplée avec la possible surveillance totale des déplacements, des actes quotidiens, des comptes en banque, des communications, etc. définit un cadre de liberté individuelle qui s’amenuise alors même que la société se vante du contraire. Evidemment, quand un monarque absolu (à l’étranger !) emprisonne un de ses sujets parce qu’il lui a manqué de respect, on crie au scandale. La répression est grossière, archaïque : elle est donc condamnée. Elle permet aussi à celui qui la condamne de se poser en défenseur de la liberté d’expression : tout bénef. Chez nous, pas de ça, on peut insulter le chef de l’Etat sans risque (c’est d’ailleurs pour ça que la discipline a beaucoup d’adeptes). Mais dites que la plaine du Forez vous fait chier, clamer votre dégoût devant le rocher de Monaco, dénigrez
Comme ne l’a pas dit Voltaire : Je suis d’accord avec vous, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous fermiez votre gueule !
Evidemment, nous ne sommes pas encore arrivé à un blocage total de la liberté d’expression, et il n’est pas dit que nous y arriverons un jour, mais des signes nous montrent que l’énergie se trouve du côté des censeurs vertueux, des autoflics responsables, des vigies maniaques et des gros cyniques. Internet est souvent cité comme exemple de champ de liberté d’expression, ce qui est à la fois vrai et faux puisque certes on s’y exprime, mais, les lois s’y appliquant au même titre qu’ailleurs, on y est soumis à la même surveillance. La différence avec les médias classiques est peut-être uniquement due à la quantité exponentielle de ce qui s’y publie, une jungle mettant plus ou moins d’ombre protectrice sur les fauves dangereux qui y rôdent…
Concernant la novlangue internet, qui est peut-être notre avenir, je renvoie à Dailymotion , où une pub nous parle ainsi.
L’idée est d’inviter les gens ( ?) à créer un blog (pour communiquer, par la parole, l’image, le son, tout ce qu’on veut) mais l’illustration, que je trouve incitative, est un ramassis à peine croyable d’enfantillages débiles proposant des mots et expressions en kit, impersonnels, juste bons pour montrer, encore une fois, qu’on fait partie d’un monde. C’est le monde pauvre et plat des gogos façon Starac’, mais il est le modèle médiatiquement valorisé de ce qui nous guette, et on n’y communique plus que par onomatopées. Vlan ! Prout ! Looool !
Pour les violeurs de la langue (que nous sommes tous, acteurs, complices actifs ou passifs), le XXIème siècle sera borborygmique, et donc ne sera pas.