mercredi 3 juin 2009

Pour ton bien.


De la même façon que ne pas être raciste ne vous range pas automatiquement dans le camp des antiracistes, ne pas être fumeur ne vous oblige pas non plus à militer contre les fumeurs, ni vouloir leur vie (ben oui, quand on a un ennemi, on peut souhaiter sa mort, mais le fumeur cherchant inconsciemment à se tuer à petit feu, un anti-fumeur sera porté à lui souhaiter longue vie, pour le faire chier un max !). C’est mon cas. Je n’ai aucun goût pour la cigarette, mais j’ai d’autres chats à fouetter que les fumeurs. Bien sûr, je sais que la tabac n’est pas très sain pour la santé, mais enfin, la télévision non plus, le loto sportif non plus, la flexibilité du travail non plus, le tourisme massif non plus, le crédit à la consommation non plus, la musique antillaise non plus ! S’il fallait militer contre toutes les merdes dangereuses que la vie nous propose, autant se flinguer tout de suite.
Ceci dit, je n’ai rien contre une nouvelle campagne anti-tabac : en ces tristes temps, on ne crache pas sur une bonne occasion de rigoler. La dernière vaste campagne nous avait familiarisés avec ces messages dissuasifs, les « Fumer tue », les « Fumer provoque des maladies graves », les « Fumer nuit à votre entourage et à la couche d’ozone », les « Fumer vous fait la bite molle », etc. Ces messages, pondus par des experts de la com (rires), furent détournés dans l’instant même où le public les découvrit, tournés en ridicules et vidés de leur non-sens. En trois jours, la France entière se refila des histoires drôles à base de « Tuer tue », de « Puer pue » et autres « Glander glue », prouvant ainsi qu’à lancer des alarmes sur des dangers parfaitement connus depuis des lustres, on ne récolte que des nasardes. En outre, cet exemple donna un avertissement aux amoureux des mots, de la chose écrite (comme on dit sur France Inter), enfin à tous ceux qui croient au pouvoir du langage : la plupart des fumeurs continuent de fumer bien qu’ils aient en permanence sous les yeux un message clair les avertissant qu’ils vont claquer dans d’atroces souffrances ! Après 5000 ans de civilisation, après Descartes et le professeur Jacquard, on constate donc que le langage est impuissant à faire comprendre un truc simple à une bande de cons.

On nous annonce donc une nouvelle campagne anti-tabac, à grand renfort de vous allez voir ce que vous allez voir ! Des images choc ! des photos insoutenables ! des tableaux atroces ! Et on nous propose, en guise d’apéritif, la photo d’une dentition particulièrement écoeurante qui sera visible sur tous les paquets de clopes bientôt. Encore une fois, on cherche à faire fonctionner l’émotion au détriment de la raison. Puisque nous avons été incapables d’agir par raisonnement déductif avec la campagne précédente, on espère que le gros beurk que nous pousserons devant ces images sera plus productif. Assistera-t-on de nouveau au triomphe de la communication non verbale ? Tout porte à le croire.
Toutefois, n’ayant pas vu l’ensemble de la collection gore, je risque une remarque sur la seule qui soit disponible, celle des dents pourries. Et, au risque de passer pour un affreux rétrograde, je fais appel à la raison (oui), aux souvenirs, à l’expérience du lecteur. Lecteur, toi qui vit au milieu des hommes et qui les fréquente passionnément, toi qui compte de nombreux fumeurs parmi tes amis, tes voisins, tes frères et sœurs, dis-nous si tu en connais un seul qui exhibe de tels chicots ? Réfléchis bien avant de répondre (mon dieu, j’ai dit « réfléchis », n’y vais-je pas trop fort ?), crois-tu que le type dont on voit la salle à manger défoncée sur les paquets de clopes soit simplement un type qui fume ? Penses-tu qu’il existe un lien de cause à effet direct et unique entre les clopes et les dents HS de ce dégueulasse ? Dernière question : ne crois-tu pas qu’une fois de plus, les experts de la com (rires) se foutent de nous ?