samedi 9 janvier 2010

Le paradis des toubibs


Chaque lecteur un peu assidu de ce blog et des articles que j’y commets, sait tout le mal que je pense de l’Information. En ayant bien conscience de ne rien dire de nouveau, mais en continuant tout de même à affirmer une chose démontrée, je prétends que l’information est un piège à cons, sauf à se méfier d’elle comme de la peste, et de ceux qui la propagent . Je tombe sur un article du Figaro relatant des troubles en Malaisie : là-bas, des musulmans incendient des églises parce qu’ils refusent que les chrétiens utilisent le nom d’Allah. J’avoue être intéressé par chaque information qui me confirme que, contrairement à l’étymologie, les religions sont des entreprises à diviser les gens. Non pas que ça m’amuse beaucoup (enfin, celle-ci est assez croquignole, ne boudons pas notre satisfaction), mais enfin, les religieux ont tellement prétendu en savoir un rayon sur la paix, la tolérance, la sagesse et la sainteté qu’il est toujours bon de rappeler qu’ils excellent aussi dans le meurtre et la bouffonnerie.
Je ne connais aucun Malais ni aucune Malaise, je ne sais même pas où se trouve la Malaisie sur une carte. D’ailleurs, avant cet article, j’ignorais qu’un pays puisse avoir un nom aussi prédestiné : j’imagine un endroit couvert d’hôpitaux, quelque chose comme ça. Le paradis des toubibs. Evidemment, on comprend que les habitants de la Malaisie ne se sentent pas bien, mais de là à déconner aussi manifestement, et en aussi grand nombre, il y a de la marge.
On est souvent étonné de la disproportion entre les raisons d’une crise et ses conséquences, et les affaires contenant un élément d’ordre religieux battent tous les records en la matière. J’ai déjà évoqué l’histoire pathétique du Brésil français, où la superstition la plus éclatante, la sottise la plus sûre d’elle avait eu raison d’un projet considérable, comme dans les meilleurs films des frères Marx. Le fait divers malais en est un autre : des gens sont assez cons pour prétendre à la fois adorer un dieu unique, putament unique même puisqu’ils le clament cent fois par jour et sur tous les toits depuis un millénaire et demi, mais ils interdisent en même temps que d’autres utilisent le mot arabe pour le désigner (Allah), lui préférant un autre nom (je ne sais pas comment on dit « Dieu » en malais : mettons « Jean-Pierre ») ! Chacun son dieu, mais il est unique ! Aux Malais musulmans seuls le droit de dire « Allah est unique » ; les malais chrétiens devant se contenter de « Jean- Pierre est grandiose » ! On rigole, mais c’est quand même grave… On est en 2010, le monde entier sait depuis longtemps que Dieu est unique, ça ne fait plus débat nulle part, surtout depuis sa mort, mais certains ne l’ont pas encore compris. Ils continuent à s’étriper pour une chose dont on se fout royalement. Encore, s’ils s’affrontaient sur la question de la vie quotidienne, sur la compatibilité de tel ou tel truc avec les commandements du Boss, je comprendrais. Mais se jeter des bombes à la face parce qu’on prétend que son dieu est plus unique que celui du voisin, je dois avoir un truc en moins, mais je ne saisis pas. Et puis, pour dire le mot « Dieu » en arabe, on dit bien « Allah », je ne vois pas comment faire autrement ! Un chrétien arabophone doit forcément dire Allah pour désigner Dieu, puisque il est unique ! C’est à y perdre son latin.


Pour en revenir au début de mon sujet, je m’étonne de ne trouver cette info que sur les sites du Figaro et de La croix. Même avec leurs moteurs de recherche internes, les sites de Libé, du Monde, de Marianne, de rue 89 ne disent rien de l’affaire. Je soumets donc cette question à ta sagacité, lecteur : pourquoi diable des journaux aussi tournés vers le monde extérieur que ces fleurons-là, ne relaient-ils pas une affaire où des musulmans incendient des églises ? A ton avis ? Bien sûr, on peut se dire que cette info redonde, qu’elle fait double usage avec d’autres où les musulmans n’ont pas le beau rôle (enfin, le rôle des gentils), et qu’il faut ménager un peu la susceptibilité de cette partie de l’humanité et éviter de la présenter comme agressive ou prise de violence. Mais d’un autre côté, je ne vois pas au nom de quoi on cacherait une information, aussi déplaisante soit-elle. Si on se plaint qu’un journal monte en épingle un fait pour des raisons d’idéologie, on peut aussi se plaindre qu’il le cache, et pour les mêmes motifs. On a entendu beaucoup de musulmans protester et se plaindre du pape suite à son discours de Ratisbonne : il avait fait allusion à un vieux débat du XIVème siècle où l'empereur byzantin Manuel II Paléologue refusait l'idée de guerre sainte et de violence en matière de religion... Les entendra-t-on condamner les incendies de Malaisie ? Leur donnera-t-on tribune dans Le Monde ? Partant de là, peux-tu me dire, lecteur, en quoi l’information en général (et celle-ci aujourd’hui) est-elle autre chose qu’un sempiternel piège à cocus ?