mardi 31 décembre 2013

Un dimanche comme un autre.


L’année 2013 se termine. Elle mérite plus sûrement qu’une autre le qualificatif d’année de merde. D’ailleurs, elle se termine sur une note particulièrement nauséabonde : la dérogation permanente provisoire ( !) accordée aux grandes surfaces de bricolage pour ouvrir le dimanche. Un décret du gouvernement le permet jusqu’en juillet 2015, en attendant « une loi plus stable »… Comme chaque fois qu’on veut faire une entourloupe, le gouvernement avait mandaté Jean-Paul Bailly, ancien fossoyeur du service public de La poste, pour pondre un rapport sur quoi il se base aujourd’hui pour nous entuber le dimanche. Évidemment, le rapport et les ministres jurent que le dimanche restera un jour « pas comme les autres », et qu’il n’est pas question de ceci ou de cela. Ceci ne les empêche nullement d’augmenter le nombre de dérogations que les maires pourront octroyer, d’augmenter le nombre d’ouvertures dominicales que les grandes surfaces pourront faire en dehors de l’autorisation préfectorale. Si quelqu’un doutait encore de la guerre sociale menée par la gauche PS, et de la guerre engagée contre les mots et leur sens, il va avoir de quoi être édifié.


On ne trouverait pas de moules amatrices de plateau de fruits de mer. On ne trouverait pas de vaches pro corrida, pas si bêtes. Mais on trouvera toujours des salariés réclamant qu’on autorise leur patron à les faire travailler le dimanche. Certains sont prêts à travailler douze heures par jour, quinze s’il le faut, et ne pas s’arrêter sous prétexte que la nation commémore un événement ou participe à une fête multi millénaire. Quand on a annihilé toute capacité critique dans l’esprit des gens, quand on a miné les fondements de l’autonomie intellectuelle et ratiboisé le simple instinct, la simple compréhension de son propre intérêt (au-delà du seul chiffre en bas à droite de la feuille de paie), on obtient cela : des salariés qui luttent pour leur asservissement. Le fait qu’ils soient de pauvres cons ne les exonère pas de leur responsabilité dans le crime qui se joue. Ils n’en sont pas le bras armé, n’exagérons pas, mais ils en sont l’anus ravi…

Pour que la traitrise fonctionne, il faut qu'il y ait des amateurs. Il faut que des gens y trouvent leur compte. La famille Mulliez (Leroy Merlin), par exemple, mais aussi notre voisin de pallier et les centaines de milliers d'enflés qui n'hésiteront pas un instant à utiliser le dimanche des autres pour aller pousser le caddie dans un camp d'achat. Au début, ces débiles profiteront sans complexe du fait qu'eux-mêmes ne travaillent pas dans le secteur touché, qu'ils ne sont pas manutentionnaire chez Bricorama ni caissière chez Casto. Mais comme leur kollaboration creuse la tombe du repos dominical dont ils peuvent encore jouir en commun, ils devront eux aussi, quand leur tour sera venu, faire une croix sur le repas de famille, la glandouille entre amis, le tour à la campagne, pour aller exercer leur CDI sous-payé un dimanche.

Pour le détail du décret "socialiste", chacun ira se renseigner. Notons simplement que comme dans d’autres domaines, tout procède par étapes. On commence toujours par céder du terrain sous certains prétextes, puis on s’appuie sur ces exceptions, les esprits ayant été rendus plus mous, on bricole un rapport, on change la valeur des mots, et on fait « avancer le progrès ». On se souvient que le Pacs fut voté en jurant que jamais il n’y aurait de mariage pour les gens de même sexe. Puis le mariage fut voté en jurant que jamais on n’autoriserait les mères porteuses, ni l’adoption. Et je parie publiquement que nous y aurons bientôt droit… Pour l’ouverture dominicale des grandes enseignes, on a commencé par un cadre ubuesque. En langage administratif, on appelle ça les PUCE : périmètres d’usage de consommation exceptionnelle. Certains mollassons ont admis que des zones pouvaient être exonérées de la règle commune, parce qu’il y a des touristes, parce qu’il y a d’autres commerces autour, parce qu’on y vend de l’ameublement ou de la merde en barres, parce qu’il y a un centre ville qui aurait telle ou telle particularité, parce qu’il y a mes couilles : au final, partant de cette exception faite à la règle, des intérêts surpuissants se sont engouffrés dans la brèche, ont exposé leur soi-disant particularité, ont hurlé à la concurrence déloyale ou à la fin du monde, et remportent aujourd’hui une victoire. Il faudrait être non seulement aveugle et sourd mais aussi complètement débile pour ne pas comprendre qu’ils auront la victoire finale, du moins si aucun miracle ne vient nous débarrasser des Jean-Paul Bailly et des gouvernements socialisto-libéraux de toutes espèces.

Je ne souhaite une bonne année à personne, je n’ai pas ce cynisme.