lundi 8 décembre 2008

Bientôt, les Marianiches fiscales !


Philippe Mariani: une autre Bourse est possible!

En France, on connaissait les anarchistes appointés par l’Etat, les intermittents de la révolte inscrits aux caisses d’assurance, on avait des révolutionnaires fonctionnarisés, des rebelles sous statut et des combattants clandestins défilant contre les violences policières. Dans cette aire de jeux qu’est devenue la France, il manquait la catégorie des ultra libéraux garantis par l’Etat : c’est en train de se faire.
Un certain Philippe Mariani, député UMP de l’Oise, propose un amendement au projet de budget 2009 : permettre aux gens qui ont perdu du fric à la Bourse de déduire leurs pertes (dans la limite de 10 700 euros) de leur revenu imposable. Non seulement le boursicoteur est à l’origine, par son action et son existence mêmes, de la crise qui nous plombe, mais il faudrait que l’Etat lui fasse cadeau d’une partie de ses impôts, au motif que cette fois-ci, il a perdu du blé dans l’opération ! Les tenants de l’esprit d’entreprise, de l’entreprenariat conquérant, de l’audace, de la conquête-de-nouveaux-marchés, du courage-merde ! sont désormais sensibles à la sécurité dispensée par l’Etat, dans ce qu’il a de plus représentatif de sa Mansuétude : les exonérations fiscales. On aura tout vu ! Le mot « précaution », mot intrinsèquement sympathique, qui supposait encore la prise en compte individuelle des risques et des avantages, qui ne signifiait pas du tout l’annihilation des risques ou de l’incertitude mais bien leur connaissance, maintenant associé à celui de « principe » est devenu cette bouffonnerie, cet engluant mensonge prostitué à tous ceux qui ont bien compris que d’autres pouvaient toujours payer à leur place, en toutes circonstances. Le principe de précaution est donc en passe d’étendre sa maternelle protection aux fers de lance de l’économie virtuelle financiarisée. Pourquoi s’en priveraient-ils, d’ailleurs, dans cette époque qui pond de l’oxymore comme d’autres accouchaient de révolutions : en avant pour le risque sûr, la conquête donnée, l’aventure pépère ! En route pour le Principe de Certitude ! « Vous avez de l’argent ? devenez gagnant-gagnant ! »
Philippe Mariani est un imbécile dans l’exacte mesure où il croit que nous le sommes aussi. Il prétend que cette mesure n’a pas été chiffrée, mais qu’il ne s’agit pas « d’une très grosse mesure ». Il a passé du temps au ministère du budget pour faire passer sa pilule mais voudrait nous faire croire qu’on décide d’une déduction fiscale, surtout en ce moment, surtout après ses propres prévisions catastrophiques, sans en connaître la portée. Ben voyons… Je n’ai rien contre les classes moyennes, ni contre les gens qui ont mis du pèze de côté et tentent de le faire fructifier. La Bourse existe, on peut y investir son pognon librement, en gagner ou en perdre, comme au casino, et il existe déjà des moyens de limiter les risques (Sicav, par exemple)… en limitant aussi les chances de gagner beaucoup, pardi. Mais on sait ce que sont les recettes fiscales de l’Etat : quand on en perd d’un côté, on se débrouille pour en récupérer ailleurs. Ce cadeau aux boursicoteurs sera payé par d’autres, tous ces cons qui ne perdent pas leur pognon en vendant au mauvais moment, ou ces plus cons encore, les handicapés du niveau de vie, les tarés du Revenu, tout juste capables de ne pas crever de faim, les salariés qu’on va foutre dehors bientôt et qui n’osent pas exiger un principe de précaution taillé à leur mesure.
J’ai la douleur de conclure que Michel Audiard s’est trompé : les cons, ça n’ose pas tout. C’est même à ça qu’on les reconnaît.