mercredi 12 octobre 2011
Espoir sur le Double apple©
Qui a dit que le peuple manquait d’enthousiasme ? Quel est le nom de ce con ? Le peuple ne manque pas d’enthousiasme, il en déborde. Il ne sait plus où le foutre. Il en a tellement qu’il s’enthousiasme à la va-vite, et même pour n’importe quoi (aucune allusion aux primaires socialistes dans cette phrase). Le dernier enthousiasme en date, c’est non pas Steve Jobs lui-même, sa vie, son œuvre, mais plutôt sa panoplie.
Le chroniqueur du parc de loisirs qu’est devenu le monde s’avise donc que les pulls supermoches de Steve Jobs sont en train de faire un tabac : les boutiques sont en rupture de stock et, à l’heure où j’écris ces lignes, des centaines d'ateliers Chinois sont sans aucun doute occupés à nous en fabriquer de nouveaux. Depuis quelques jours, des consommateurs (puisque ce qualificatif englobe toutes les activités des citoyens modernes) se ruent sur les cols roulés noirs façon Jobs, les jeans pendouillant et les baskets qui ne ressemblent à rien. Objectif : imiter le Boss, singer le Singe. On redoute que, devant la pénurie de cols roulés, des admirateurs perfectionnistes ne se jettent sur le célèbre modèle de slip que le grand Steve affectionnait depuis vingt ans : le Double apple©…
Dans les années 40, les jeunes gens se coiffaient comme Jean Marais. On a vu des fans s’habiller en Elvis Presley, copier l’impayable Johnny, danser comme Michael Jackson, karaoker comme Céline Dion ou se faire la tête, oui, de Superman (on attend avec impatience que la chirurgie vienne enfin en aide aux fans de Mickey voulant ressembler à leur héros). En mimant la vedette adulée, c’est un peu comme si on la portait sur soi en permanence. On en profite mieux, on se moule à ses mesures, on s’en habille. On y croit. Mais personne n’avait encore pensé à s’habiller comme un chef d’entreprise, qui se fringuait d’ailleurs comme tout le monde.
Steve Jobs ayant troqué le costard-cravate contre le polo-prolo, ses aficionados se voient contraints de s’habiller en employé des postes pour faire croire à leur amour des nouvelles technologies et de l’esprit d’entreprise ! « Ayez faim, soyez fous ! » qu’il leur disait : la force de ces conseils-là…
L’avenir, c’est peut-être ça : se grimer en mec connu dont l’image publique repose précisément sur une tenue standard. S’habiller comme tout le monde pour ne ressembler à personne deviendra le signe distinctif de ceux qui espèrent pourtant se distinguer dans les atours d’un autre. C’est à y perdre son latin, et son html.
Après tout, où est le problème ? m’objecterait un libéral bon teint, pour qui tout n’est qu’affaire de choix personnel. Question d’autant plus pertinente que, comme ceux des enfants trop gâtés par l’abondance et la vie insouciante, les enthousiasmes d’homo neo sont frénétiques, bruyants, dérisoires, mais qu’ils ne durent guère.