samedi 4 juillet 2020

Pas la bonne époque.


"C’est naître qu’il aurait pas fallu". C’est Céline qui disait ça. Et plus tard, Cioran fit une variation sur le même thème avec De l’inconvénient d’être né. Mais on a beau faire, on y est, on y reste.

J’ai parlé au téléphone avec un vieux pote il y a deux jours, et ce qu’on s’est dit, en substance, c’est qu’on était nés nous au bon endroit, mais pas au bon moment. Une autre époque nous aurait bien botté, n’importe laquelle, avec ses guerres, ses ratatinades, sa vache enragée, ses heures bien plus sombres, ses carences alimentaires, sa peine de mort, n’importe laquelle sauf la nôtre, quoi. Notre époque qui se faisande chaque jour un peu plus, puritaine et vicelarde tout en même temps, et qui projette son ombre hideuse sur ce con d’avenir, que les gosses sauront plus quoi en faire. Trop d’hystérie, trop de vulgarité, trop de fric, trop de bouffe, trop de connerie déferlante, trop de communication pour les cons, trop d'imposteurs, trop de nullité agressive et conquérante et proliférante et interminable. Productivisme oblige, et règne absolu du plus grand nombre, nos temps produisent presque automatiquement trop de trucs, à condition que ce soit de la merde.
C’est pas naître au mauvais moment qu’il aurait fallu.

Tenez, pour illustrer notre blues intime, plutôt que se répandre en phrases de plus en plus déprimantes, on va se passer l’épatante chanson de ce bon Dr John, une chanson de 1973, elle a eu le temps de bien mûrir (Dr John fit une énorme connerie il y a un an environ : il est mort).