samedi 7 décembre 2013

Coupe du monde de football : la France mise à l'épreuve


Le tirage au sort des tableaux de la prochaine coupe du monde de football vient de se terminer. La France connaît donc ses adversaires du premier tour, et tous les commentateurs seront d'accord : le tirage ne lui a pas été favorable.
En effet, à partir du 15 juin prochain, la France devra affronter trois redoutables équipes :
le Bangladesh,
la Syrie,
l'équipe de Monceaux-lès-Mines.

Après s'être brillamment qualifiée en venant à bout de l'Ukraine, une des plus puissantes équipes de l'histoire du football moderne, la France saura-t-elle se surpasser ?

Interrogé sur le sort de notre équipe sitôt le tirage connu, Lionel Messi déclare : "je suis bien content d'être argentin!"



mercredi 4 décembre 2013

L'irrésistible ascension de la vérité




Dimanche dernier, quelques instants avant le début de la manifestation contre l'injustice fiscale, TF1 diffuse les images de Jean-Luc Mélenchon devant ses troupes pendant le journal de Claire Chazal. "Le cortège de partisans s'étendait jusqu'à l'horizon", témoigne la journaliste impartiale.

lundi 2 décembre 2013

Escalves rech. maître, même petit




L’information n’est pas seulement un piège à cons, c’est aussi une formidable machine à en produire. Illustration.

Tout le monde sait que le type qui se prétend Président de la république a promis d’inverser la courbe du chômage d’ici la fin de l’année. La France entière s’arc-boute sur cette formule, comme si elle avait la moindre chance d’avoir un intérêt. La courbe peut bien être inversée, si elle continue de passer au beau milieu de ton cul de chômeur, ça ne change pas grand-chose. Mais passons.

Les chiffres du chômage sont incomplets. Pôle emploi annonce chaque mois les chiffres des chômeurs n’ayant eu aucune activité le mois précédent. C’est ce qu’on appelle la catégorie A. Or, de nombreux chômeurs signent un CDD court, par exemple, ou un contrat d’intérim. Ils travaillent mais restent inscrits comme chômeurs, car leur situation n’est pas durable. Si ils déclarent moins de 78 heures de travail, ils sont basculés dans une autre catégorie (B). S’ils travaillent plus de 78 heures, ils passent en catégorie C. Quoi qu’il en soit, ces gens doivent être considérés comme des chômeurs, ils n’ont pas trouvé un CDI à temps plein, ils demeurent des chômeurs qui ont, pour quelque temps, un emploi.
Pour être encore plus précis, ces deux catégories B et C sont le marqueur d’une engeance aussi collante que le chômage : la précarité. Elles représentent les gens qui vont de petits extras en CDD, de micro contrats en boulots de merde. Ces deux catégories méconnues représentent 1,5 millions de personnes, et le type qui a été désigné Président de la république n’en parle pas. Si l’on doit évoquer les chômeurs en France, il faut donc parler d’au moins 4,8 millions de personnes, sans même compter les deux dernières catégories (D et E) ni les gens d’outre-mer. Rappelons que c'est sous Giscard que la France est passée au dessus de son premier million de chômeurs. On voit le progrès réalisé en quarante ans grâce aux politiques  lancées à grands coups de menton, et, bien sûr, grâce à l'Europe.


mercredi 16 octobre 2013

L'artiste engagé



Nous avons pris l’habitude d’entendre des artistes, musiciens, comédiens, cinéastes, boute-en-train, donner leur avis sur à peu près tous les sujets traversant l’actualité. Ainsi, nous apprenons qu’une chanteuse à l’eau de rose s’oppose à la Politique agricole commune, qu’un plasticien engagé déplore la fin de l’indexation des retraites, ou qu’un écrivain quasi ermite, consulté sur la modération des taux directeurs de la banque centrale du Botswana, confie sans ambages qu’il est plutôt pour.

Cette tendance est assez récente : la célèbre interview de Brel, Brassens et Ferré par François-René Christiani en 1969 n’abordait presque aucun de ces sujets généraux, et les trois artistes s’y montrèrent assez prudents. En gros, aussi surprenant que cela nous paraisse, on les interrogea surtout sur leur art : la chanson.
Hélas, depuis lors, négligeant toute prudence, des artistes d’un calibre beaucoup plus modeste se font presque une spécialité d’intervenir sur tout à grands coups de gueule. Plus que d’analyses, c’est de leur simple opinion qu’ils nous gratifient, en vertu du principe que les opinions se satisfont d’elles-mêmes, sans avoir à répondre de la vérité, de la justesse ni de la cohérence.

mardi 15 octobre 2013

Guiomar EST Bardamu


Je n'ai pas eu la chance d'entendre les spectacles de Luchini sur Céline. Cela viendra peut-être. Luchini est un grand acteur, un artiste complet, et sa passion pour Céline est absolument réelle. Mais voilà, quoique fils du peuple, il n'a pas la gouaille. Il n'a pas le physique. Il lit et comprend Céline, mais sait-il vraiment l'interpréter ? Ne l'ayant pas vu, je garde ce point d'interrogation sous le coude et y ajoute un triolet de suspension...

Un qui a su le faire, à coup sûr, c'est Julien Guiomar, l'acteur énorme. Écoute ça, lecteur incrédule, et dis-nous si tu imagines un accord plus parfait entre un texte et le mec qui le dit!

J'ai extrait cette perle d'une émission sur l'architecture de l'impeccable François Chaslin, sur France Culture. Je suis preneur de toute information sur le document complet, s'il existe, et suis prêt à buter pour l'obtenir. Qu'on se le dise...



vendredi 11 octobre 2013

Plantu bricole le dimanche




Evidemment, Plantu a toujours été et sera pour l’éternité une sorte de merde. Un bien-pensant comme on n’ose plus les imaginer, comme on n’en trouve plus même dans les romans d’Alexandre jardin, une machine à penser comme un manche qui plastronne depuis un demi millénaire dans le plus formidable torchon de la presse globale. Evidemment, nous ne sommes pas encore assez séniles pour penser à « commenter-le-dessin-de-Plantu », cet exercice qui définit le con aussi sûrement qu’un thermomètre mesure le réchauffement des haricots. Nous pouvons même nous vanter de nous en foutre énormément, du dessin de Plantu, et à longueur d’année de nous en torcher le figne en guise d’hommage.
C’est pas compliqué : le con-qui-commente-le-dessin-de-Plantu est généreusement partisan de tous les lieux communs, de toutes les certitudes de benêt que ce gribouilleur étale sans frémir sur le puant fleuron de notre presse crevée. Il a même un credo, une conviction d’ordre religieux qu’il claironne de toute la force de son museau dégoûtant : « un bon dessin vaut mieux qu’un long discours ». Là, quand on atteint ce degré de niaiserie, il n’y a plus que l’euthanasie. Quand on se montre aussi fier de sa bêtise, il n’y a plus qu’à prier pour le retour de la grippe espagnole. Quand un imbécile est si sûr de son impunité, quand il ose exprimer un tel étron verbal, il n’y a plus qu’à distribuer les armes à la populace, et que tout finisse dans un bain de sang !
(Faites un essai : tapez « Plantu » sur gougeule et jetez un œil aux dessins qui en sortent : vous saisirez immédiatement les nuances entre « affligeant », « médiocre », « lamentable », « poussif », « pas-drôle-du-tout », « à vomir » et « absolument à chier ». Vertu du dessin plantudesque, sans doute : il en dit plus long dans l’infâme que de longues définitions !)

dimanche 6 octobre 2013

Les enculés du dimanche



Le Leroy Merlin de Cochons-sur-Marne est dirigé par un entrepreneur si fier de sa mission qu’il n’a pas hésité, en ce dimanche 6 octobre 2013, à ouvrir le magasin, bravant la loi, la tradition, les Églises, les syndicats et le socialo-bolchévisme. Ses salariés volontaires ont donc répondu à sa demande comminatoire et n’ont pas craint de quitter conjoints et enfants pour accomplir une mission bien plus haute que la vie de famille, bien plus glorieuse que l’existence humaine, bien plus rémunératrice qu’une visite à une vieille mère veuve crevant de solitude : vendre du profilé de 12 et de la cheville Molly pour dix euros trente de l’heure.

Hélas, si les autorités ne protègent plus la loi et l’intérêt général que d’une couille molle, certains citoyens restent déterminés à défendre un privilège des plus odieux : celui qui consiste à pouvoir jouir ensemble de ce que la vie leur donne avec parcimonie : du temps. Ce matin, donc, une demi-heure après son ouverture, le Leroy Merlin de Cochons-sur-Marne a été envahi par deux cents solides gaillards enduits de vaseline, encouragés du dehors par autant de dames, au son des fifres et des castagnettes. Soudain, pour les cadres et employés du lieu, il ne s’agissait plus de braver la loi dans le sens du vent libéral, il ne s’agissait plus de courir un risque par la procuration que donnent l’appui d’une immense puissance, d’une fortune considérable et d’un troupeau de députés aux ordres, il s’agissait de faire face à deux cents mastards dénudés, déployant leurs chybres sous l’œil impuissant des caméras de surveillance. Ce sont d’ailleurs ces caméras, hackées comme à la parade, qui diffusèrent en direct dans tous les autres magasins du groupe les scènes qui s’ensuivirent, et qui n’améliorent certes pas à l’extérieur des frontières, l’image de notre pauvre pays. Quand on pense que cette forfaiture s'est déroulée dans une enseigne connue pour sa grande délicatesse, qui avait su allier le bon goût français et l’excellence entrepreneuriale qui caractérise les plus belles réussites tricolores…

Le commandant de gendarmerie Foufinaud, arrivé sur les lieux après la bagarre avec ses troupes, m’a personnellement livré quelques éléments.

Beboper
Monsieur le commandant, pouvez-vous nous raconter ce qui s’est passé ?
Le commandant Foufinaud
Nous sommes encore en recherche d’éléments, mais je peux d’ores et déjà vous relater le contenu des images diffusées par les caméras de sécurité. Il s’agit, et le mot n’est pas trop fort, de la plus grosse enculerie que j’aie vue. Et pourtant, j’ai fait mes classes sous François Mitterrand !
Beboper
Que voulez-vous dire ?
Le commandant Foufinaud
C’est simple : tous les salariés présents ce dimanche matin viennent de subir une attaque terroriste d’un genre nouveau, au modus operandi bien particulier.
Beboper
C'est-à-dire ?
Le commandant Foufinaud
L’enculade collective.
Beboper
Les assaillants ont enculé les vendeurs de bricole ?
Le commandant Foufinaud
Exactement. Tout le monde y a eu droit. C’est un crime contre l’humanité.
Beboper
Il s’agit donc de viols ?
Le commandant Foufinaud
Ce n’est pas si sûr : il semblerait qu’au moment de l’assaut, les employés de Leroy Merlin avaient déjà le pantalon sur les chevilles.
Beboper
Comme s’ils s’attendaient à être enculés ?
Le commandant Foufinaud
Je dirais même comme s’ils étaient venus pour ça…L’enquête doit suivre son cours. Quoi qu’il en soit, les salariés défoncés ne pourront pas prétendre qu’ils ont absolument tout fait pour éviter les coups de bites. Venir travailler les fesses à l’air, ce n’est quand même pas prudent.
Beboper
Que la France vous entende, mon commandant ! Avez-vous pu arrêter ces sodomites ?
Le commandant Foufinaud
Non. Ils se sont égayés dans la nature comme des faunes.
Beboper
Pouvez-vous nous dire ce que font les employés de Leroy Merlin en ce moment ?
Le commandant Foufinaud
Eh bien, c’est assez incroyable, ils ont repris leur travail comme si de rien n’était. Chacun a repris sa besogne et ne manifeste aucune surprise. Nous n’avons pour l’instant aucune explication à ce phénomène. Ils ont même décliné notre offre de soutien psychologique !
Beboper
Un peu comme si l’action de se faire enculer ne les avait pas surpris outre mesure, en ce dimanche laborieux ?
Le commandant Foufinaud
En tout cas, les professionnels de notre cellule de soutien psychologique semblent bien plus désemparés que les victimes de l’attaque.
Beboper
Mais, dans ce cas, que font vos hommes ici ? Avez-vous été alertés par la direction de Leroy Merlin ?
Le commandant Foufinaud
Pas du tout. Les dirigeants ne voient pas pourquoi les forces de l’ordre se mêleraient de l’enculage de leurs salariés (qui, je le rappelle, sont ici par la grâce du volontariat), et nous sommes déterminés à respecter la liberté de venir travailler. Nous avons en fait été appelés par les clients.
Beboper
Ont-ils eux aussi subi les gros zobs ?
Le commandant Foufinaud
Non, les terroristes du gland les ont tous laissé sortir du magasin pendant qu’ils y commettaient leur forfait. Dehors, les femmes les attendaient avec des canons à goudron et des sacs de plumes. Nous pouvons parler de carnage.
Beboper
Comment ? Ce gros tas dégueulasse derrière nous, c’est un amas de clients ?
Le commandant Foufinaud
Oui, on ne sait combien ils sont là-dessous au juste, nous allons les arroser de glycérine pour tenter de dissoudre un peu le goudron. Puis nous gratterons le reliquat à la pelleteuse. Ensuite, nous verrons bien s’ils peuvent encore servir.
Beboper
Pourquoi ne pas les laisser en l’état, et en faire un monument à la gloire de la consommation ?
Le commandant Foufinaud
Je n’ai pas les compétences artistiques pour une telle initiative.
Beboper
Oh, je vois deux employés de Leroy Merlin en train de prendre leur pause nicotinée. Puis-je me permettre ?
Le commandant Foufinaud
Faites.
Beboper
Bonjour messieurs. Alors, comment vous sentez-vous ?
Les deux couillons
Comme un dimanche !

mercredi 25 septembre 2013

Les quenelles de la honte




Le président
Madame et messieurs. Vous êtes appelés devant ce tribunal en tant qu’experts, pour apporter tous les éclaircissements techniques sur l’affaire que nous jugeons aujourd’hui. Je ne crois pas devoir vous rappeler l’extrême gravité de la chose jugée ici. A travers ce tribunal, c’est le pays tout entier qui attend des réponses. Nous vous demanderons d’abord de vous présenter. Madame ?
Nassima Chenalfi
Je m’appelle Nassima Chenalfi, j’ai vingt-neuf ans. Je suis propriétaire d’un salon de prestations de services
Le président
Plus précisément ?
Nassima Chenalfi
…Prestations de services de relaxation
Le président
Plus précisément ?
Nassima Chenalfi
Relaxation horizontale…
La Défense
Madame Chenalfi veut dire par là qu’elle suce des bites.
Le Président
Vous sucez des bites !?
Nassima Chenalfi
Pas seulement ! Nous apportons à notre clientèle une gamme de prestations construites sur un diagnostic partagé, au regard de ses besoins, de son budget mais aussi des innovations induites par nos investissements Recherche & Développement. Nous délivrons par exemple un panel de trente-huit massages de types différents, issus des cultures du monde, dans une démarche radicalement équitable.
Le président
Avant ou après le suçage de bite ?
Nassima Chenalfi
Avant, monsieur le Président ! Le massage, c’est toujours avant. Ha, et j’oubliais : dans mon métier, on a l’habitude de m’appeler Cindy.
Le président
Très bien, Cindy. Au suivant de ces messieurs.
M. Branquy de la Fouaf
Jean-Eudmond Branquy de la Fouaf, psycho-sociologue, docteur en psycho-comportementalisme comparé. Je suis entre autres l’auteur de « Nazisme et démocratie », de « La menace fasciste dans les couloirs de bus » et du « Parc d’attraction hitlérien », un roman réaliste…
La défense
Bigre !

samedi 14 septembre 2013

Suicidez-vous !





Communiqué : France-Culture et la fondation Jean Jaurès jouent un jeu dangereux. La récente publication d’un ouvrage affichant les noms de Mauroy, Hollande, Désir et Aubry en sa page de couverture (sans oublier Michèle Cotta) ne constitue-t-elle pas une pure incitation publique au suicide ? Ne relève-elle pas clairement de l’article 223-13 du Code pénal ? A-t-on le droit de suggérer, par une image, qu'une vie socialiste consiste à jouir d'un parterre de roses dans un parc sécurisé, loin des périphériques et de la crasse répandue ?
Et nous, avons-nous le droit de laisser faire ce genre de choses, quand on sait qu’un individu un peu faible, un adolescent égaré, une femme enceinte, un sanpapié, est susceptible d’ouvrir innocemment l’ouvrage et de voir, sans avertissement, s’étaler devant lui l’obscénité au bras de la torpeur ?

Nous demandons à tous les hommes de bonne volonté et à tout individu responsable d’interpeller son maire, son député (c’est souvent la même personne), pour que cesse cette provocation, et que la justice passe.

Nous demandons au Congrès américain d'intervenir !


jeudi 15 août 2013

Education anglaise




Enculé ! Youpin ! Espingot ! Jap ! Nègre ! Bougnoule ! Tantouse ! Tafiole ! Lopette ! Gonzesse ! Nabot ! Débile ! Fillette ! Mongolito : chacun en conviendra, ces mots rappellent les heures les plus malpolies de notre histoire. Ils sont désormais considérés comme « inacceptables » par le club de football de Liverpool, qui en a dressé la liste et peut probablement résilier le contrat d’un salarié en cas d’utilisation (en français, on appelle ça un dérapage). On respire.
Pressés par une moralité publique de plus en plus sourcilleuse, pudibonde, répressive et sûre de son bon droit, les dirigeants du club ont dû pondre un règlement intérieur digne du théâtre comique, et l’afficher à la face du monde. C’est en effet cela qui étonne le plus : la conjonction de la plus grande bouffonnerie et de la plus grande publicité. C’est que la bouffonnerie, au moins quand elle nage dans l’ordre moral, passe désormais pour de la vertu, et ne déclenche plus les rires. Il suffit de lire l’article tiré du Guardian pour s’en rendre compte : aucune distance, aucune ironie, même sous-jacente, aucune retenue dans l’exposition de faits considérés « normaux » et allant de soi…

Pourtant, cette liste-là est harassante de ridicule. Dans sa forme et dans son fond, elle ne peut réjouir que des trous du cul (insulte non répertoriée, donc valide).
D’abord, elle est extrêmement incomplète : si « bougnoule » est illicite, « crouille » peut-il être utilisé sans dommage ? Et « polack », et « rital », et « froggie » ? C’est le problème des listes : elles discriminent ce qu’elles ne contiennent pas. Faire une liste d’insultes prohibées, c’est faire insulte à toutes les autres ! C’est considérer que certaines insultes ne sont pas très insultantes, qu’elles ne blessent qu’à moitié. Ou, peut-être, mais j’ose à peine l’envisager, c’est considérer qu’il est moins grave de traiter un Français de « grenouille » qu’un Juif de « youpin » ? Sans compter les cas, proprement cornéliens, des français-juifs ! Et que dire du footballeur moyen qui se voit traiter de « sale con » ? Quel recours aura-t-il, ce naze, puisque « sale con » n’est pas dans la liste noire ?

lundi 29 juillet 2013

J.J. Cale n'est plus.




J.J. Cale parlait peu de lui-même. Il n'aimait ni les interviews, ni les lieux exposés, ni les emmerdeurs. Il a vécu pour son art, instruments en mains, à son rythme. Il devait bien rire des articles qu'il inspirait, où les mêmes choses sont répétées cent fois, son accès à une gloire discrète grâce aux reprises qu'Eric Clapton fit de ses chansons, l'influence qu'il eut sur tant de célèbres vendeurs de disques, mieux armés que lui pour plaire aux multitudes.

Ce qui saute aux oreilles, chez lui, c’est qu’il continue de comprendre ce qu’est le blues après qu’un siècle a passé dessus. Il y apporte sa note sans tomber dans les répétitions de formules convenues, que chaque nouveau gratteur de guitare apprend très tôt pour n’en plus sortir. Les formules, il a su créer les siennes, et les exploiter sur plusieurs décennies. On lui a reproché ça, d’ailleurs, cette propension à refaire les « mêmes » morceaux, comme si les bluesmen, comme si les musiciens de reggae faisaient autre chose que jouer les « mêmes » morceaux…
Mais J.J. Cale n’est pas seulement un chanteur de blues, sa musique est enrichie des nuances du jazz, du country folk et d’une forme personnelle de rock. Opération de mélange dans laquelle il a réussi à ne pas oublier le blues, à en conserver la structure et l’esprit, non les formes épuisées.


mardi 23 juillet 2013

Les gens qu'on aime : Denys de La Patellière.



Nonagénaire, Denys de La Patellière vient de mourir, ce 21 juillet. Un jour pas plus moche qu'un autre pour mourir. Il était un des derniers représentants du cinéma populaire français des années 1950 et 1960, conçu comme tel, pour la distraction du public. Comme tant d’autres, il fut attaqué par les champions de la Nouvelle vague, dont on ne peut soutenir la plupart des films aujourd’hui. Les Cahiers du cinéma écrivirent que ses "films valent ce que vaut Gabin, et Gabin ne vaut rien". Fallait oser...
René Château affirme que le cinéma commercial d’autrefois est le cinéma classique d’aujourd’hui. Le cinéma fait par des artisans fiers de l’être, qui cherchaient à plaire au plus grand nombre sans l’abrutir de spectacles idiots. Sans cette exigence-là, bien sûr, on sait le genre d’âneries que l’ambition commerciale est capable de produire. Ceux qui furent voués aux gémonies par un groupe d’idéologues, qualifiés d’archaïques, de poussiéreux, sont reconnus comme des grands par le suffrage du temps. Denys de La Patellière y a sa place, à côté des Verneuil, des Grangier, des Lautner, des Autant-Lara, des Granier-Defferre…

Il faut dire qu’il y a populaire et populaire. Dans un film de La Patellière, quand Jean Gabin cause vélo dans un bistrot, il le fait avec les mots de Michel Audiard. Il n’est pas laissé à lui-même, ni tenu d’imiter ce qu’il a pu entendre le dimanche d’avant en prenant l’apéro chez René. C'est une partition au mot près, servie par un interprète de génie. Tout est affaire de transposition. C’est l’exacte différence d’avec le cinéma d’un Abdellatif Kéchiche, par exemple, qui ne cherche pas à traduire les nouvelles façons d’être d’un certain peuple, mais à les mettre telles quelles dans ses films. Il fait passer dans ses films, mais sans se l’approprier, une langue d’analphabètes, une langue faite pour résister en milieu hostile, langue d’une pauvreté navrante, qui ne chante pas, qui n’évoque pas, une langue qui ne sait que cracher et mordre. D'où l'écrasante impression de vulgarité qui nous saisit. Certes, il donne une exposition aux gens qui la parlent, et qui sont censés être « le peuple ». Mais on peut se demander si cette exposition leur rend service.
Or, quand on revoit les films de La Patellière, grâce à la transposition artistique et à l’œil du cinéaste, on admire ce peuple, et on est fier d’en être.



Le conseil de tonton Beboper : si vous ne les connaissez pas, voyez sans tarder Retour de manivelle, Le bateau d'Emile, Un taxi pour Tobrouk, Le voyage du père, Les grandes familles, et Rue des prairies...

vendredi 28 juin 2013

LFQSTLARAFTEUC



Les films que si tu les aimes, rien à faire, t’es un con (LFQSTLARAFTEUC)


Il est hors de question de traiter ici la navrante catégorie des nanars. Les nanars ont la cote, non plus tant auprès du public qu’ils visent, mais chez les petits malins. On les rassemble sous blogs, on en fait des analyses, on se les refile, et c’est en connaisseur qu’on en apprécie les tares. Aimer les nanars, quand on est cinéphile, c’est faire beaucoup d’honneurs aux foirades. Un peu comme si on se ruait dans les mauvais restaurants, qu’on achète les disques de chanteuses qui chantent faux ou qu’on prenne par plaisir les autobus les plus bruyants, et qui tombent en panne au milieu du trajet. Le succès des nanars, c’est le mélange final du snobisme et du mauvais goût. Cette perversion porte un nom scientifique : le second degré.
Oh, au moins jusqu’à un certain point, on pourrait accepter le second degré, mais à la condition qu’il y en ait d’abord un premier. Or, dans un nanar, justement, le premier degré est toujours affligeant, lamentable, torpide. Et puis, on aime toujours le nanar pour se moquer de son auteur, voire de ses fans. Et c'est se moquer à bon compte : quel mérite y a-t-il à se foutre d'un film de poursuites en bagnoles et de coups de pieds, avec Nicolas Cage et Sandra Bullock en vedettes ?

Plus que tout autre argument contre les nanars, il y a celui-ci : notre temps est compté. La condition humaine étant ce qu’elle est, j’attends qu’on m’explique pourquoi certains dépensent des milliers d’heures de leur vie à regarder des films sordides en s’en moquant. On dirait des connards amusés de passer leur vie avec une femme laide et méchante, quand ils auraient le moyen d’en avoir une gentille et splendide.


La révolution dans ton cul



Vous me direz : qu’est-ce qu’un article de presse ? Que vaut le papier d’un journaliste ? La plupart du temps, pas grand-chose. On ne saurait s’appuyer sur cette manne de médiocrité pour se faire des idées, certes. Mais l’article que je propose ici n’est ni une référence, ni une caution de sérieux : c’est un modèle de naïveté qui rendrait son sujet amusant s’il n’était pas si tragique. L’avantage du naïf, c’est qu’il dit des vérités sans soupçonner ce qu’elles révèlent. Il ne s’en méfie pas, et pose donc les choses on ne peut plus clairement. Jetons donc un œil sur les lignes de ce poussif…

L’iranien moderne et sa femme vont donc pouvoir faire une révolution avec leurs culs : c’est toujours ça que les mollahs n’auront pas ! S’il faut croire ce journaliste sur parole, les iraniens entrent dans la modernité le pantalon sur les genoux. Bonne méthode : nous qui y sommes jusqu’au cou, nous savons que c’est la meilleure façon non seulement d’y entrer, mais d’y faire carrière. Mais que promettent ces spectaculaires changements ?
Pour le journaliste, ce n’est « ni positif, ni négatif ». Qu’on en juge : augmentation des divorces, des avortements, de la prostitution, de la prostitution masculine, perte du rôle des familles, baisse de la natalité. Ce que ne dit pas le neuneu, c’est que ces joyeusetés ne sont qu’un début. Nous pouvons sans peine imaginer la suite logique de cette modernisation ni positive ni négative : perte de l’autorité, rébellion des pré-adolescents, rejet des valeurs désuètes (respect, politesse, goût du savoir, traditions, etc.), individualisme, explosion de la criminalité et de la délinquance, érotisation de l’espace public, emprise de la pornographie, consommation de masse, Mc Donald’s, etc. Ni positif, ni négatif : moderne !

Évidemment, c’est de notoriété publique, une révolution ne saurait être négative. On ne sait pas vraiment pourquoi mais la société la plus bourgeoise de l’histoire humaine (la nôtre) passe son temps à rêver de révolution. Rêver pour éviter d’en faire. En parler pour en rester là. L’évoquer pour la conjurer, comme les enfants s’efforcent de faire du bruit quand ils rentrent de l’école la nuit tombée, en hiver, et que l’obscurité silencieuse est chargée de fantômes. Brrr ! On ne fait plus de révolution par chez nous, d’accord, mais on a le T.shirt du Che ! Et puis on s’enflamme pour la première manifestation de lycéens venue, comme s’il s’agissait du grand soir.



On a beau dire, le monde moderne a démocratisé la révolution, il l’a mise pour ainsi dire à portée de main. Le plus fainéant, le plus timoré d’entre nous peut toujours se rabattre sur une révolution à sa mesure. Chaque saison propose la sienne : la révolution numérique, la révolution du surgelé, la révolution des vols low cost, la révolution de la fibre optique, la révolution du gel fixant : nous passons d’une révolution à l’autre sans même prendre la peine de couper une tête. Bien sûr, les révolutions proposées sont des ersatz, on n’y retrouve plus l’authenticité des émeutes du temps jadis, ni les lynchages furieux qui leur donnaient cette patine rare. Mais à la qualité perdue répond la quantité : au nom de quoi refuserait-on à quiconque le droit à la révolution ?

Orgueil de la démocratie : l’égalité. Il ne saurait être question de réserver quoi que ce soit à un petit nombre. Le petit nombre, c’est le diable (sauf, bien sûr, quand le petit nombre est homosexuel – mais passons). Ainsi, l’éducation doit être « la plus large possible », la culture doit désormais être « pour tous », tandis que chacun à droit à la propriété, à manger de la viande, à partir en vacances au soleil, à cinq fruits et légumes par jour, etc. Dans tous ces cas, bien sûr, la jouissance égalitaire aurait de quoi se plaindre : l’éducation est certes « la plus large possible », mais elle n’éduque plus vraiment ; la culture est « pour tous », mais il s’agit surtout d’aller voir des concerts d’Olivia Ruiz. Et ne parlons pas de la qualité de la viande ! La révolution, c’est un peu pareil : les Iraniens la firent une bonne fois, il y a 35 ans. Maintenant qu’ils entrent dans la modernité, ils vont pouvoir la faire trois fois par semaine, mais avec des préservatifs.

dimanche 2 juin 2013

La prison pour tous, dans le respect.




Najat Vallaud-Belkacem est ministresse des droits des femmes. A ce titre, dans le sillage de son action pour une égalité absolue entre filles et garçons dès l’école maternelle, elle vient de proposer une mesure qui la fera certainement entrer dans l’Histoire. Cette mesure se résume dans son intitulé : mixité et respect dans les prisons françaises. En visite à la prison de Saint-Quentin-Fallavier (Isère) avec sa collègue Taubira, elle a dévoilé les principes du changement de paradigme qu’elle compte mener à bien.

dimanche 19 mai 2013

Un cul



Hommage à Robert Crumb

(suggestion de lecture : à haute voix)
La surprise de son cul explosa devant moi comme une titanesque bombe. Il y eut une musique, une bribe tanto allegro rappelant le Messie de Haendel, trois accords pleins et totalitaires, bouffant l’atmosphère de leurs oscillations lourdes, un vacarme tout en force alliant les plus terrestres basses, une cavalerie de triolets débridés et le bombardement sourd de percussions, toms synthétiques, grosses caisses de fanfare, éclats de cymbales et marimbas cinglants. Ce cul m’apparut comme la conclusion d’une symphonie dantesque et démodée, mais qui produit toujours le même effet qu’à sa Première : le scandale des émotions insoutenables. Dans une œuvre musicale, le final tonitruant est destiné à laisser l’auditeur décontenancé par le silence qui suit, à faire résonner en lui, dans une sorte d’inconscience groggy, l’énergie de l’œuvre terminée. L’auditeur ainsi assaisonné est invinciblement tiré vers les cimes d’un enthousiasme qui se manifeste même chez les plus timides. Mais là, que pouvait bien signifier ce fracas divin, et comment imaginer l’opéra qu’un tel éclat couronne ?



Ces trois accords époustouflants pénétrèrent en moi comme un train fou dans un tunnel paisible. L’ampleur sonore m’absorba aussi soudainement que le feraient cent mille litres de peinture blanche jetés sur une minuscule tâche de noir. Je suffoquai, cherchai mon souffle, les yeux sortant de la tête, le regard pris par une boulimie instantanée, déjà désespéré d’en perdre une miette (mais à ce niveau, on bâtirait des mausolées autour des miettes !). Je peux donc affirmer que la musique de ce cul m’atteint avant le souffle même, avant l’effet mécanique attendu de ce genre d’attentat. Bien plus tard, en racontant mon aventure autour de moi, on m’a opposé le fait qu’une apparition, aussi soudaine soit-elle, ne produit aucun bruit. Plus le temps passe, plus l’assurance des imbéciles progresse. Bien-sûr qu’il y a de la musique dans la vie ! A des moments d’intensité inhabituelle, les plus sensibles d’entre nous entendent de la musique, c’est bien connu. Croyez-vous par hasard que les cinéastes ont inventé un artifice, et que seul le cinéma fait entendre des violons quand une femme se décide à vous dire « je t’aime » ? N’avez-vous jamais entendu le petit air qui se déclenche quand vous regardez des photos de famille et qu’apparaît l’image de ce petit cousin, mort à huit ans, avec qui on passait des vacances superbes d’innocence et de liberté ?

Le souffle donc me manqua. Je ne respirais plus. J’avais la bouche ouverte, mais tous mes réflexes vitaux se concentraient dans un acte bien plus capital que respirer : je matais. Du plus profond de mon corps monta une vague de chaleur déferlante, ou bien est-ce réellement la chaleur déclenchée par l’apparition de ce cul, partout où il passe, qui me fit roussir – je ne sais. Mon cerveau ? Mon esprit ? Oh, tout ce que j’ai appris, tous mes efforts pour nourrir l’être pensant que je suis se résumaient soudain en une seule et unique formule stupide : « c’est pas vrai… c’est pas vrai ! »
J’avais devant les yeux le cul le plus formidable qui fut jamais contemplé, une masse de chaire ferme et souple, ondulante et puissante, large et serrée, un paquet d’énergie brute contenue dans les voiles d’une jupe ajustée par un génie, taillée par un Dieu, une entité à la géométrie nouvelle, parfaitement sphérique mais avec de telles nuances ! de tels changements ! des masses plus prononcées ici, des glissements subtils là, un méplat à couper la chique au plus blasé des pédérastes, THE méplat, la piste d’envol des reins, le contrefort des joies et des aventures alpestres, la courbe inouïe par laquelle se forme un cul, qui fait saillir les fesses dans le reste du monde, un élan de vie qui emmerde la pesanteur et ses lois pour flapis, le cul qui enchante le cosmos, qui fait s’élever les montagnes et se tordre les continents (car il est établi que la tectonique des plaques s'explique par l’espoir des terres du monde entier d’apercevoir ce qui appartenait à mon regard à ce moment là), la plus parfaite forme de vie de l’histoire de la Vie, ces deux sphères d’amour blotties l’une contre l’autre, qui produisaient en bougeant un mouvement qu’il me faudra renoncer à décrire mais qui est l’appel, la prière que lance la beauté à l’univers entier, un appel où il est dit qu’il faut se contenter de vivre en face de ce cul (si le cœur tient, évidemment), en attendant la fin du monde. Le galbe changeant de ce couple de fesses traduisait en lignes courbes le poids de l’ensemble, poids qu’on ne peut bien-sûr pas deviner mais qui imprimait sur le fin tissu de la jupe une pression aimable, juste, qui promettait des découvertes nouvelles, des surgissements frais, une explosion renouvelée quand elle se libérerait. 

Ce cul vivait.
Désormais, pour le reste de ma vie, son image ferait partie de moi, je me coucherais et me lèverais avec lui, et toutes mes nostalgies se rapporteraient à lui, le Cul des Mille et Une Nuits, qui ne finit jamais. Comme on est fasciné par une puissante houle qu'on observe d’une petite hauteur, je m’abîmais dans les torsions de ce Cul, dans les gonflements soudains produits par ses déplacements, et la brillance du tissu, augmentée chaque fois par le jeu de ces globes sauvages, faisait naître un soleil nouveau à chaque ondulation de la croupe. Me chauffant à la chaleur de cet astre, j’observais sans comprendre les transformations d’un monde encore lointain mais animé d’une vie éclatante : le Cul, mû par un instinct propre, prenait le contre-pied du mouvement de la taille, ondulant avec insouciance comme une fillette magnifique sur une balançoire, avec la légèreté d’une enfant et l’assurance d’une révolutionnaire de Delacroix, il tendait l’une de ses fesses quand la jambe se lançait en avant et ramassait en un paquet dur comme un marbre fin l’autre fesse, celle qui forme au-dessus de la jambe portante un chapiteau à faire pâlir les plus immodestes ciseaux.

Ce roulis annonçait un océan infini, sans limites connues.



Sa danse imprimait à l’horizon même un balancement lancinant dont le naturel s’imposait comme une loi universelle, et moi, frêle esquif, j’étais aspiré sans conscience vers le cœur battant de ce maelström surhumain. Autour de nous, plus rien. Seul face à la plus impressionnante manifestation d’un destin d’homme, je reconnus dans ce dieu culier l’élément qui m’avait toujours manqué pour sombrer à âme perdue dans le mysticisme total, celui qui ne doute plus, qui accepte tout, qui dit oui au plus improbable racontar, qui vénère trois cailloux lisses érigés en haut d’un mât, la force qui pousse le paralytique à franchir des montagnes sur le ventre, le mysticisme qui sait voir dans la nuit épaisse et peut bâtir une légende sur des siècles d’ignorance crasse. Je me convertis sur-le-champ, franchissant dans un même élan le Jourdain et le Rubicon. Dans mon esprit, à la vitesse de la pensée, se formaient des prières, des appels, des incantations nouvelles. La sainte histoire de cette apparition supérieure déroulait ses chapitres incroyables à mon scribe intime, très surpris d’avoir autant de matière après l’indigence où il était tenu depuis des lustres.
Pour moi seul désormais, le Cul des culs s’incarnait dans une sorte d’animal humain libre et fier, gai comme une fleur qui s’ouvre sans retenue, et s’offrait à mes yeux brillants de larmes. Son balancement avait le naturel simple des ramures qu’un doux vent anime, rien dans sa geste ne semblait forcé, affecté ni outré, bien que sa mesure en tout dépassât ce qui vit sous le ciel depuis le Déluge, au bas mot, et que parler d’outrance à son sujet ressemble fort à ce que l’art d’écrire à fait de plus contenu. Alternativement, chaque fesse bondissait (mais avec lenteur, comprenez-vous ?), se contractait comme un organe vital plein de sève, poussant dans une unité parfaite l’autre fesse sur le côté, triomphant un court instant, s’effaçant au profit de sa jumelle, reparaissant encore, et encore, régulière comme le pouls d’un astre immense. Ah ! qu’elle était libre cette croupe de feu, lourde et légère à la fois en son enveloppe de tissu jaune pâle, tendu et détendu avec perfection, rythme et souplesse. Et comme ce tissu cachait et montrait à la fois ce que l’esprit ne peut concevoir tout seul, et combien il participait à la feria en nimbant de presque rien ces muscles ronds, puissants, lourds, toniques, vifs, denses et tendres, ce Cul admirable entre tous les prodiges pour avoir réussi la synthèse de la force et de la douceur, de l’énergie et de la paix, du rythme vivant et de l’éternité.

L’alternance des frottements attirait le voile de la jupe dans la partie supérieure du sillon central, au dessus des fesses, et ça faisait comme un souffle, une respiration légère, une scansion hypnotique. Parfois, comme par jeu, les fesses pinçaient le tissu sur quelques centimètres, divisant l’univers en deux cellules parfaites se répondant, yin et yang bombés et ronds comme des gongs de Chine.

J’avalai ma salive.
Le Cul venait de cesser sa marche. Rejetées en arrière dans une position de repos, les fesses soudain irradiaient une élégante puissance jamais encore vue. Elles se dressaient face à moi, parfaitement immobiles, sans que l’élan de leur course ne réussisse à faire seulement frémir leur surface lisse, sans aucun pendouillement, altières comme des biches en pleine santé.


Equilibre
Symétrie
B e a u t é   t o t a l e
Plénitude.

(Il me semblait qu’un petit engin extra-terrestre allait d’un moment à l’autre se poser sur le haut de ce Cul, et qu’une nouvelle race d’êtres vivants en ferait un tremplin pour conquérir le monde sans coup férir. Qui pourrait s’opposer à cette force ?)
La largeur et la profondeur s’alliaient devant mes yeux comme dans la plus belle formule mathématique. Partant des hanches (pleines comme des mangues sur-gorgées de jus !), les extrados encadraient une masse qu’on devinait portée par des cuisses magnifiques, solides et saines, et l’ensemble comblait entièrement la forme idéale d’un plein cintre renaissance. Puis le mouvement reprenait l’œil pour le faire monter de nouveau vers la taille, une taille à la fois fine et sérieuse, cohérente avec le tout, une taille qui n’avait rien de celle d’une guêpe mais plutôt une rassurante colonne de muscle tendre, capable de résister aux assauts des tempêtes qu’elle déclenche, une taille comme le tronc immuable d’un arbre adolescent qui regarde avec confiance défiler les siècles jusqu’à la fin du monde !
C’était comme si la promesse du Paradis s’était incarnée de nouveau parmi les hommes.
Devais-je crier ?
Devais-je ameuter le peuple ?
Que faire ?
Cela peut paraître étrange mais j’eus le sentiment de ne pas devoir garder ce Cul pour moi (son envergure me dépassait tellement) mais plutôt qu’il me fallait le traduire par un Acte de portée universelle, éclatant de sincérité, un engagement irrémédiable qui ferait basculer l’humanité dans la jubilation.
Ah, ce Cul ! Que n’aurais-je donné pour pouvoir soupeser les fesses de mes deux mains tremblantes, alliant dans mon geste la curiosité du primitif, la concupiscence naturelle du mâle et la prière du fanatique ? … Que n’aurais-je inventé pour faire cesser la course du temps et continuer ainsi mon rêve jusqu’à la disparition du ciel ?… Il était là, dans l’immobilité des statues anciennes, plein du mystère des œuvres antiques qu’il a fallu quinze siècles pour approcher de nouveau, exprimant en une forme qui les contient toutes le génie de la race humaine, son avenir, son éternité. Et moi, qu’avais-je fait pour mériter cet honneur, et comment allais-je me montrer digne de ma tâche ? J’avais devant les yeux ce que les plus grands artistes, les penseurs, les défricheurs, les découvreurs du monde entier avaient cherché depuis toujours, ce pour quoi étaient morts tant d’acharnés, la forme parfaite, la synthèse magique des savoirs, tenant et aboutissant des questions fondamentales qu’on pose, souvent mal, sur tous les continents et qu’on croyait insolubles. Je découvrais sans l’avoir voulu l’incontestable et définitive beauté du monde, son destin enchanté, l’explication indiscutable de la joie.