lundi 17 décembre 2007

Sarko pratique l'ouverture de 5 à 7.

Si ça pouvait la faire arrêter la chanson...


Toute la France en parle : le Patron est de nouveau maqué. On l’a vu en compagnie de Carla Bruni, se montrer complaisamment aux photographes présents, comme pour dire : visez un peu le rétablissement… Le truc serait sans importance si nous vivions dans un autre monde, mais les choses étant ce qu’elles sont, et les actes d’un président de la République étant devenus médiatiques par nature, on aura donc remarqué qu’après les footballeurs et les présentateurs de télé, Nicolas Sarkozy se tape un top model.

Après tout, les top models aussi ont droit à une vie sexuelle et affective, et il faut bien que quelqu’un se les tape ! Ces dames ayant commencé leur conquête du monde grâce à leur charme, il est cohérent qu’elles l’achèvent en fréquentant des puissants, voire en les épousant. Il est bien évident aussi que les footballeurs sont souvent laids, qu’ils ont de grosses cuisses pleines de poils et des conversations lamentables, mais qu’ils gagnent un paquet de fric propre à attirer les garces. Quand les footeux avaient encore des salaires de tocards, ils se tapaient des ouvrières, belles ou moches, comme tout le monde ! Il n’est donc pas permis de dire que les top models aiment le foot ou le tennis (ou le golf, enfin tous les trucs ridicules à base de baballe et de têtes de noeud) : elles cherchent le pèze, et c’est marre. Et d’ailleurs, on s’en fout.

Quand un mec sans éducation, sans imagination ni goût commence à gagner du fric, à s’élever dans la société en ayant un certain pouvoir, il s’achète une BMW. C’est à ça qu’on reconnaît le blaireau riche (remplacez BMW par d’autres marques, moi, j’ai la flemme). Selon le cas, il cherche ensuite à s’identifier à un certain groupe de glands en pratiquant les activités les plus farfelues (ski de piste, yachting, Rotary Club, tribunes vachement class au stade de foot, cheval, chirurgie plastique et chasse au dahu), activités généralement interrompues par des séances de lampes à bronzer et un infarctus du myocarde. Voulant échapper par tous les moyens à la honte de la vulgarité popu, il jette toutes ses forces dans l’élaboration d’un corpus vulgaire moins bon marché, certes, mais tout aussi atroce. « Pour les Américains, disait Céline, l’âme, c’est un saxophone en or, et qui brille ». Au sommet de cette pyramide burlesque, les top models. N’importe quel bipède masculin vous dira qu’un top model ne représente ABSOLUMENT PAS la femme idéale (charnellement parlant), et qu’une taille 32 faible est rarement l’indice d’un cul splendide. Mais c’est comme ça : le top model, pour couronner une carrière vouée au pouvoir, ça le fait.

Et c’est ici que la chose devient délicate : pourquoi associe-t-on toujours l’exhibition de sa réussite matérielle à la plus grasse des vulgarités ? Pourquoi, quand cette réussite se résume à la possession d’objets (maisons avec piscines, chalets à la montagne, bagnoles énormes, quads formidables et top models), le triomphateur est-il la risée de gens qui se disent mieux nés, fussent-ils rmistes ? Un super sociologue comme la France n’en manque pas se jetterait sur la question pour nous servir le sempiternel fossé qui sépare les cultures catholiques des cultures protestantes. Mouais... Je pencherais plutôt pour une sorte de bon sens, une clairvoyance généralement partagée qui fait apparaître l’union d’un laideron riche, ministre et gras du bide avec une jeune sirène pleine de grâce pour ce qu’elle est : la plus grande, la plus éclaboussante des laideurs.

D’une façon très pratique, que voit-on quand un Sarkozy s’exhibe avec une Bruni (par exemple) ? On voit l’union de deux personnes de pouvoir qui agissent par intérêt. La belle nana se tape un boudino plus vieux qu’elle parce qu’il a une putain de situation (intérêt) ; le boudino se montre avec la beauté parce que dans l’éventail des signes de réussite (pour un homme), le top model est le must. Intérêts partagés qui se maquillent en « amour » évidemment. On sait bien que s’il ne s’agissait que d’amour, TOUS les présentateurs de télé (riches) et TOUS les footballeurs (riches), et TOUS les pilotes de F1 (riches) ne sortiraient pas comme par hasard avec les mêmes nanas. Cette évidence est probablement à l’origine du dégoût général pour ce genre d’attentat. Le goût du pouvoir et du fric enlaidit tout, même l’amour (mais, par ailleurs, il est évident que le Boss a le droit de coucher avec qui il veut et qu’on ne fait que gloser sur les images qu’il donne de son règne) .

Sur le cas du Pèzident, tout n’a pas encore été dit, parce qu’il ne nous a pas encore tout fait. Au lieu de faire de la politique étrangère, il se comporte comme un VRP en goguette. Au lieu d’avoir le sens de l’Etat, il se triple son revenu (il aurait pu, suggestion personnelle et tardive, rehausser le traitement du Président de la République, le mettre à niveau de celui du Premier Ministre, mais pour le prochain mandat présidentiel : en faisant ça, il aurait désamorcé toute critique, on aurait trouvé le geste responsable et désintéressé, et on se serait tous foutu au garde-à-vous). A présent, il nous fait le coup de la people de la varièt’, ex mannequin, ex aristo richissime, ex enrouée à messages, exhibée l’air de rien à Disneyland ! On peut toujours imaginer des scénarios à couillonnades : le Pèzident fera toujours mieux !

Comme on ne prête qu’aux riches, on a peut-être trop souvent tendance à chercher du sens à ce qui n’en n’a pas beaucoup, et à supposer calculées au poil près les actions des hommes d’état. Mais ici, il semble peu probable que MC Sarko n’ait pas peaufiné son effet, tant les ingrédients sont dosés : la Bruni, les photographes, Disneyland. C’est désormais là dedans qu’on vit, sous cette loi-là : un parc d’attractions pour enfants avec des people cyniques qui s’y montrent, prêts à tout dans une ambiance de laideur toc comme on n’en n’avait pas connu depuis l’invention de la gourmette masculine en or, et qui brille.